La couple royale au Congo pour une visite officielle de sept jours. Roi Philippe est arrivĂ© Ă Kinshasa - Belga PubliĂ© le 7/06/2022 Ă 1730 Temps de lecture 2 min Le roi des Belges Philippe est arrivĂ© mardi aprĂšs-midi Ă Kinshasa pour sa premiĂšre visite officielle en RĂ©publique dĂ©mocratique du Congo RDC, sur fond de travail de mĂ©moire et de rĂ©conciliation entre la Belgique et son ancienne colonie. Le souverain, son Ă©pouse Mathilde et la dĂ©lĂ©gation gouvernementale qui les accompagne ont Ă©tĂ© accueillis Ă lâaĂ©roport international de NâDjili, Ă la pĂ©riphĂ©rie de la capitale, par le prĂ©sident congolais FĂ©lix Tshisekedi et sa femme Denise, a constatĂ© une Ă©quipe de lâAFP. Le roi Philippe et la reine Mathilde avec le PrĂ©sident du Congo et sa First Lady - Belga Cette visite royale, la premiĂšre depuis celle en 2010 dâAlbert II, pĂšre de Philippe, a Ă©tĂ© deux fois reportĂ©e, en 2020 Ă cause de la pandĂ©mie de Covid-19 puis au dĂ©but de cette annĂ©e en raison de la guerre dĂ©clenchĂ©e par la Russie en Ukraine. Le voyage du roi comprendra trois Ă©tapes Kinshasa dâabord, avec notamment une visite mercredi au musĂ©e national et un discours sur lâesplanade de lâAssemblĂ©e nationale; Lubumbashi dans le Sud-Est minier, avec une intervention vendredi devant les Ă©tudiants de lâuniversitĂ©, et Bukavu, dans lâEst, rĂ©gion en proie depuis prĂšs de trois dĂ©cennies aux violences de groupes armĂ©s. Roi Philippe est arrivĂ© Ă Kinshasa - Belga Le roi doit visiter dimanche dans un quartier pĂ©riphĂ©rique de Bukavu, chef-lieu de la province du Sud-Kivu, la clinique du gynĂ©cologue Denis Mukwege, colaurĂ©at du prix Nobel de la paix en 2018 pour son action en faveur des femmes victimes de viols.EtvoilĂ le roi et la reine Et voilĂ la reine et le roi. Imprimer l'activitĂ© A lire aussi. 26/11/2018. La Reine des Neiges 2 : on connaĂźt enfin la date de sortie ! VidĂ©o - Replay - MĂŽmes Part en Live - couronne des rois ; Epiphanie : dĂ©finition; Compter les parts de galette ; Fabriquer une couronne avec une assiette en carton; Melchior et Balthazar; Auteur : La rĂ©daction de
Quiconque voudra savoir les premiers commencements du roi Henri IV, le roi Bourbon remplaçant les Valois sur le trĂŽne des rois de France, aura grand soin de sâenquĂ©rir des destinĂ©es de sa sĆur Catherine, et de sa premiĂšre Ă©pouse, Marguerite. Elles ont chĂšrement payĂ© lâune et lâautre lâhonneur dâappartenir de si prĂšs au conquĂ©rant du sien. Heureusement lâhistoire de Catherine, une hĂ©roĂŻne, un grand courage, une vertu, nâest plus Ă faire ; il nây a pas longtemps que Mme la comtesse dâArmaillĂ© racontait cette vie austĂšre et charmante Ă la façon dâun grand Ă©crivain tout rempli de son sujet. Catherine de Navarre, obĂ©issant au roi son frĂšre, a poussĂ© le dĂ©vouement fraternel jusquâĂ sa limite extrĂȘme ; oublieuse dâelle-mĂȘme et de sa fortune, elle eĂ»t tout sacrifiĂ© au roi Henri, sa conscience et sa croyance exceptĂ©es. Et lorsque, enfin, par tant de victoires, de conquĂȘtes et dâaccidents imprĂ©vus, le roi de Navarre est devenu le roi de France, quand il est le maĂźtre absolu dans Paris, sa grandâville, au moment oĂč la princesse Catherine, mariĂ©e au duc de Bar, sâest consolĂ©e enfin de nâavoir pas disposĂ© de sa main selon son cĆur, elle meurt, obscure et cachĂ©e, et son frĂšre ingrat sâoccupe Ă peine dâĂ©lever un tombeau Ă cette admirable servante de ses ineffables grandeurs. La princesse Marguerite, la premiĂšre femme du roi de Navarre, offre un contraste complet avec la princesse Catherine. Elle a tout lâorgueil de la maison de Valois ; elle est superbe, intelligente, et pour peu que son Ă©poux le BĂ©arnais eĂ»t voulu tirer un bon parti de cette associĂ©e Ă sa fortune, il eĂ»t rencontrĂ© prĂšs dâelle une consolation, un bon conseil, une illustre et digne assistance. Mais quoi ! le roi protestant se mĂ©fiait de la catholique maison de Valois ! Jeune homme, il en avait subi trop de violences et trop dâinjures pour nâen point faire porter le ressentiment Ă sa jeune et charmante Ă©pouse. Il ne pouvait guĂšre oublier que son nom Ă©tait inscrit sur la liste rouge de la Saint-BarthĂ©lĂ©my ; ce papier rouge disait quâil fallait tout dâabord arracher les racines du protestantisme, Ă savoir le roi de Navarre, le prince de CondĂ©, lâamiral de Coligny. Si donc Charles IX et Catherine de MĂ©dicis effacĂšrent de leur liste fatale le nom de leur gendre et beau-frĂšre, ce fut par une espĂšce de miracle. Ainsi lâon trouverait difficilement dans toute lâhistoire un mariage conclu sous de plus tristes auspices. Mal commencĂ©, il a fini par un divorce. Mais, ceci dit, on ne peut sâempĂȘcher dâarrĂȘter un regard clĂ©ment et charmĂ© sur les grĂąces infinies de cette aimable et parfaite beautĂ©, la reine de Navarre, et, chaque fois que nous la rencontrons dans les sentiers de lâhistoire, volontiers nous contemplons cette Ă©loquente et belle princesse, ornement de la brillante cour oĂč fut Ă©levĂ©e la reine dâĂcosse, Marie Stuart, et qui se ressentait encore des beaux-arts, de la poĂ©sie et des splendeurs du rĂšgne de François Ier. En traversant Paris, le vainqueur de LĂ©pante, don Juan dâAutriche, sâĂ©tant introduit au Louvre, en plein bal, et voyant passer la reine de Navarre au bras de son frĂšre le roi de France â On a tort, disait don Juan, de lâappeler une reine, elle est dĂ©esse, et trop heureux serait le soldat qui mourrait sous sa banniĂšre, pour la servir ! â Qui nâa pas vu la reine de Navarre, celui-lĂ nâa pas vu le Louvre ! sâĂ©criait le prince de Salerne. Et les ambassadeurs polonais, quand la jeune reine les eut haranguĂ©s, dans ce beau latin quâelle parlait si bien, Ă la grande honte de tous ces gentilshommes français qui ne savaient pas un seul mot de latin, en leur qualitĂ© de nobles â Nous nous sommes trompĂ©s, disaient-ils, câest bien cette belle tĂȘte-lĂ qui Ă©tait faite pour porter notre couronne ! Elle Ă©tait lâenchantement du Louvre et lâhonneur de ses fĂȘtes ; quand elle sâen fut en Navarre, au royaume de son mari, elle Ă©clipsa soudain la princesse Catherine, et ce peuple, assez pauvre et vivant de peu, ne pouvait se lasser de contempler les magnificences de sa reine, en robe de toile dâargent, aux manches pendantes, et si richement coiffĂ©e avec des diamants et des perles, quâon lâeĂ»t prise pour la reine du ciel. Elle inventait les modes que portaient toutes les reines de lâEurope ; elle portait des robes en velours incarnat dâEspagne et des bonnets tout fins ornĂ©s de pierreries, et câĂ©tait une fĂȘte de la voir, ornĂ©e de ses cheveux naturels, avec ses belles Ă©paules, son beau visage blanc, dâune blanche sĂ©rĂ©nitĂ©, la taille haute et superbe, et portant sans fatigue et sans peine le plus beau drap dâor frisĂ© et brodĂ©, dâune grĂące altiĂšre et douce Ă l a fois. » Quand elle passait dans les villes, les plus grands de la citĂ© se pressaient autour dâelle pour entendre parler sa bouche dâor ; Ă chaque harangue, elle rĂ©pondait par une parole improvisĂ©e, et chacun restait charmĂ© de sa courtoisie. Mais le Louvre Ă©tait sa vraie patrie, et, dans les premiers jours de son mariage, il nây avait pas de plus beau spectacle que de voir le jeune roi de Navarre donnant le signal de la fĂȘte et dansant la Pavanne dâEspagne, danse oĂč la belle grĂące et majestĂ© sont une belle reprĂ©sentation ; mais les yeux de toute la salle ne se pouvoient saouler, ny assez se ravir par une si agrĂ©able veue ; car les passages y estoient si bien dansez, les pas si sagement conduits, et les arrests faits de si belle sorte, quâon ne sçauroit que plus admirer, ou la belle façon de danser, ou la majestĂ© de sâarrester, reprĂ©senter maintenant une gayetĂ©, et maintenant un beau et grave desdain car il nây a nul qui ne les ait veus en cette danse, que ne die ne lâavoir veue danser jamais si bien, et de si belle grace et majestĂ© quâĂ ce roy frĂšre, et quâĂ cette reyne sĆur ; et quant Ă moy, je suis de telle opinion, et si lâay veue danser aux reynes dâEspagne et dâEcosse. » Qui parle ainsi ? BrantĂŽme, un homme dâarmes ami des grands capitaines. On peut lâen croire, quand il parle des dames de la cour de France ! Il les connaĂźt bien, il les montre Ă merveille ; il applaudit Ă leur faveur ; il ne se gĂȘne point pour pleurer sur leurs disgrĂąces. A cĂŽtĂ© de BrantĂŽme il y avait, pour cĂ©lĂ©brer la reine de Navarre, un poĂšte, un grand poĂšte appelĂ© Ronsard, lâami de Joachim Dubellay. Le grand Ronsard, comme on disait sous le rĂšgne de Henri IV ! Et quand Ronsard et BrantĂŽme, Ă©clairĂ©s des mĂȘmes beautĂ©s, se rencontraient, ils cĂ©lĂ©braient Ă lâenvi Madame Marguerite Il fault aller contenter Lâoreille de Marguerite, Et dans son palais chanter Quel honneur elle mĂ©rite. Et câĂ©tait, du poĂšte au capitaine, Ă qui mieux mieux chanterait la dame souveraine. Aux vers de Ronsard applaudissaient tous les beaux esprits et tous les grands seigneurs de son temps le cardinal de Lorraine, le duc dâEnghien, le seigneur de Carnavalet, Guy de Chabot, seigneur de Jarnac. Pendant vingt ans, sur la guitare et sur le luth, les jeunes gens, les pages, les demoiselles, le marchand dans sa boutique et le magistrat dans sa maison ont chantĂ© la chanson de Marguerite En mon cĆur nâest point Ă©crite La rose, ny autre fleur, Câest toi, belle Margarite, Par qui jâai cette couleur. Nâes-tu pas celle dont les yeus Ont surpris Par un regard gracieus Mes esprits ? II. Cette aimable reine, habile autant que femme du monde, et bien digne dâavoir partagĂ© la nourriture et lâĂ©ducation de la reine dâĂcosse et de la reine dâEspagne, Elisabeth de Valois, la seconde femme de Philippe II, avait Ă©crit, dans les heures sombres de sa vie, au moment oĂč la plus belle enfin se rend justice, un cahier contenant les souvenirs de sa jeunesse. Il nây a rien de plus rare et de plus charmant que ces mĂ©moires parmi les livres sincĂšres sortis de la main dâune femme. Le style en est trĂšs vif, lâaccent en est trĂšs vrai. Le premier souvenir de la jeune princesse est dâavoir accompagnĂ© Ă Bayonne sa sĆur, la reine dâEspagne, que la reine mĂšre et le roi Charles IX conduisaient par la main au terrible Philippe II. La princesse Marguerite Ă©tait encore une enfant, mais elle se rappelle en ses moindres dĂ©tails le festin des fiançailles. Dans un grand prĂ© entourĂ© dâune haute futaie, une douzaine de tables Ă©taient servies par des bergĂšres habillĂ©es de toile dâor et de satin, selon les habits divers de toutes les provinces de France. Elles arrivaient de Bayonne sur de grands bateaux, accompagnĂ©es de la musique des dieux marins, et, chaque troupe Ă©tant Ă sa place, les Poitevines dansĂšrent avec la cornemuse, les Provençales avec les cymbales, les Bourguignonnes et les Champenoises dansĂšrent avec accompagnement de hautbois, de violes et de tambourins ; les Bretonnes dansaient les passe-pied et les branles de leur province. Dâabord tout alla le mieux du monde ; une grande pluie arrĂȘta soudain toute la fĂȘte. Au retour de ce beau voyage, la jeune princesse Marguerite sâen fut rejoindre au Plessis-les-Tours la ville favorite du roi Louis XI son frĂšre le duc dâAnjou, qui dĂ©jĂ , Ă seize ans, avait gagnĂ© deux batailles. Il Ă©tait, Ă©videmment, le favori de la reine mĂšre et dĂ©jĂ trĂšs ambitieux. Il choisit pour confidente sa sĆur Marguerite Oui-da, lui dit-elle, et comptez, Monsieur mon frĂšre, que moy estant auprĂšs de la royne ma mĂšre, vous y serez vous-mesme et que je nây serai que pour vous ! » Ainsi, dĂ©jĂ si jeune, elle entrait, par la faveur de la reine mĂšre et par la confiance de son frĂšre, dans les secrets de lâĂtat. BientĂŽt les ambassadeurs se prĂ©sentĂšrent pour solliciter la main de la jeune princesse. Il en vint de la part de M. de Guise, il en vint au nom du roi de Portugal, enfin le nom du prince de Navarre fut prononcĂ©. Ce dernier mariage Ă©tait dans les volontĂ©s de Catherine de MĂ©dicis. La veille de ce grand jour, le roi de Navarre avait perdu la reine sa mĂšre, il en portait le deuil, et il vint au Louvre, accompagnĂ© de huit cents gentilshommes, vĂȘtus de noir, demander au roi de France la main de sa sĆur Marguerite. Ils furent fiancĂ©s ce mĂȘme soir, et, huit jours aprĂšs, ces BĂ©arnais, vĂȘtus de leurs plus riches habits, menĂšrent Ă lâautel de Notre-Dame de Paris la jeune reine, habillĂ©e Ă la royale, toute brillante des pierreries de la couronne, et le grand manteau bleu, Ă quatre aunes de queue, portĂ© par trois princesses. Toute la ville Ă©tait en fĂȘte et se tenait sur des Ă©chafauds dressĂ©s de lâĂ©vĂȘchĂ© Ă Notre-Dame, et parĂ©s de drap dâor. A la porte de lâĂ©glise, le cardinal de Bourbon câest ce mĂȘme cardinal de Bourbon que la Ligue a fait roi un instant sous le nom de Charles X attendait les deux Ă©poux. Qui lâeĂ»t dit cependant que tant de joie et de magnificences allaient aboutir, en si peu dâheures, au crime abominable de la Saint-BarthĂ©lĂ©my ? Les protestants Ă©taient devenus le grand souci de la reine Catherine de MĂ©dicis et du roi Charles IX ; ils Ă©taient nombreux, hardis, bien commandĂ©s, hostiles aux catholiques, et leur perte, en un clin dâoeil, fut dĂ©cidĂ©e. Honte Ă jamais sur cette nuit fatale, oĂč le bruit du tocsin de Saint-Germain-lâAuxerrois, les plaintes des mourants, le sang des morts, les cris des Ă©gorgeurs remplirent la ville et le Louvre des rois de dĂ©sordre et de confusion ! Tout fut cruautĂ©, perfidie, embĂ»ches impitoyables ! La jeune reine, ignorante de ces trames dans lesquelles devaient tomber les amis, les partisans, les compagnons du roi de Navarre son mari, apprit seulement par le bruit du tocsin ces meurtres et ces vengeances qui la touchaient de si prĂšs. Elle avait passĂ© sa soirĂ©e Ă causer de choses indiffĂ©rentes avec la reine mĂšre et le roi, bourreau de son peuple, sans rencontrer dans leur regard un avertissement, une pitiĂ©. Or, quand la reine mĂšre, au moment oĂč lâheure fatale allait sonner, commandait Ă sa fille quâelle eĂ»t Ă rejoindre son mari dans sa chambre... Ă©videmment elle lâenvoyait Ă la mort. â Nây allez pas, ma sĆur, lui disait sa plus jeune sĆur, ou vous ĂȘtes perdue ! â Il le faut, rĂ©pondit la reine mĂšre ; allez, ma fille. Et moi, je mâen allay, toute transie et esperdue, sans me pouvoir imaginer ce que jâavois Ă cr aindre. » Ah ! quel drame, et comment Ă©tait faite lâĂąme de Catherine de MĂ©dicis ! A peine endormis, dans une sĂ©curitĂ© profonde, les jeunes Ă©poux entendent frapper Ă leur porte avec ces cris Navarre ! Navarre ! » Un malheureux gentilhomme du BĂ©arn qui avait suivi le roi Ă Paris, M. de TĂ©gean, percĂ© dâun coup de hallebarde le massacre Ă©tait commencĂ©, et poursuivi par les assassins qui le voulaient achever, enfonçait la porte de la chambre ; et comme le roi de Navarre sâĂ©tait levĂ© au premier bruit du tocsin, pour sâinformer des pĂ©rils quâil pressentait, le malheureux gentilhomme, entourant la jeune reine de ses bras suppliants GrĂące et misĂ©ricorde ! ĂŽ Madame, protĂ©gez-moi ! » disait-il. Les meurtriers, sans respect pour la sĆur du roi catholique, achevĂšrent leur horrible tĂąche sous les yeux de Marguerite Ă©perdue, et le sang de M. de TĂ©gean souilla le lit royal. Croirait-on, cependant, que cette horrible nuit de la Saint-BarthĂ©lemy, la reine Marguerite la raconte, en ses mĂ©moires, avec aussi peu de souci que le dernier bal donnĂ© par le roi son frĂšre ! Ces grands crimes ont cela de particuliĂšrement abominable il faut ĂȘtre Ă certaine distance pour en percevoir toute lâĂ©tendue, et pourtant, quelle que soit la concision de lâĂ©crivain de ses propres MĂ©moires, la suite des Ă©vĂ©nements arrive, inĂ©vitable, et parfois dâautant plus pressante que lâhistorien aura mis moins de temps Ă la prĂ©parer. Dans les premiers jours qui suivirent le terrible massacre, Henri de Navarre eut grandâpeine Ă sauvegarder sa propre vie. Il Ă©tait pour son beau-frĂšre un sujet dâinquiĂ©tude, un objet de haine pour sa belle-mĂšre. Ils se demandaient lâun lâautre, en toutes ces confusions, pourquoi ils avaient Ă©pargnĂ© le vĂ©ritable chef des protestants ? de quel droit ils le laissaient vivre ? Ils comprenaient quâavant peu lâintrĂ©pide et vaillant capitaine Henri de Navarre deviendrait le vengeur de ses coreligionnaires, et leur pressentiment ne les trompait pas. Sur lâentrefaite, le roi Charles IX, tout couvert du sang de ses sujets, fut saisi, soudain, dâune maladie, incomparable et sans remĂšde. Il se mourait lentement, sous lâĂ©pouvante et le remords. Pas un moment de trĂȘve Ă sa peine et pas un instant de sommeil, son Ăąme, Ă la torture, Ă©tant aussi malade que son corps. En toute hĂąte, la reine Catherine de MĂ©dicis rappela son troisiĂšme fils, le duc dâAnjou, qui Ă©tait allĂ© en Pologne chercher une couronne Ă©phĂ©mĂšre. Et cependant, chaque jour ajoutait aux tortures du roi Charles IX. Il Ă©tait seul, en proie aux plus sombres pressentiments, cherchant Ă comprendre, et ne comprenant pas que câĂ©tait le remords qui le tuait. Il meurt enfin, chargĂ© de lâexĂ©cration de tout un peuple, et le roi de Pologne accourt en toute hĂąte, Ă la façon dâun criminel qui se sauve de sa geĂŽle. Il fut reçu Ă bras ouverts par la reine mĂšre et par la jeune reine de Navarre, qui vint au-devant de lui, dans son carrosse dorĂ©, garni de velours jaune et dâun galon dâargent. Alors, les fĂȘtes recommencĂšrent ; on nâeĂ»t pas dit que la guerre civile Ă©tait au beau milieu de ce triste royaume. Le roi et les dames acceptaient toutes les invitations des chĂąteaux, des monastĂšres et mĂȘme des banquiers dâItalie. On allait, en grand appareil, par la Bourgogne et la Champagne, jusquâĂ Reims, et, durant ces longs voyages, les plus beaux gentilshommes sâempressaient autour de la jeune reine, le roi de Navarre Ă©tant surveillĂ© de trĂšs prĂšs, sans crĂ©dit, sans autoritĂ©, et portant pĂ©niblement le joug de la reine mĂšre et les mĂ©pris du nouveau roi. ===III.=== La reine Marguerite a trĂšs bien racontĂ© comment le roi de Navarre a fini par Ă©chapper Ă ses persĂ©cuteurs. Nous lâavons dit Il nâĂ©tait pas sans crainte pour sa vie. Un soir, peu avant le souper du roi, le roi de Navarre, changeant de manteau, sâenveloppa dans une espĂšce de capuchon, et franchit les guichets du Louvre sans ĂȘtre reconnu. Il sâen fut Ă pied jusquâĂ la porte Saint-HonorĂ©, oĂč lâattendait un carrosse qui le conduisit jusquâaux remparts. LĂ , il monta Ă cheval, et, suivi de plusieurs des siens, le voilĂ parti. Ce ne fut que sur les neuf heures, aprĂšs leur souper, que le roi et la reine sâavisĂšrent de son absence et le firent chercher par toutes les chambres. Ăvidemment, il nâĂ©tait pas au Louvre ; on le cherche dans la ville, il nâĂ©tait plus dans la ville. A la fin, le roi sâinquiĂšte et se fĂąche, et commande Ă tous les princes et seigneurs de sa maison de monter Ă cheval, et de ramener Henri de Navarre mort ou vif. Sur quoi, plusieurs de ces princes et seigneurs rĂ©pondent au roi que la commission Ă©tait dure, et quelques-uns, ayant fait mine de le chercher, sâen revinrent au point du jour. VoilĂ la reine Marguerite en grandâpeine de cet Ă©poux qui ne lâavait point avertie ; elle pleure et se lamente, et le roi son frĂšre menace de lui donner des gardes. Par vengeance, il rĂ©solut dâenvoyer des hommes dâarmes dans le chĂąteau de Torigny, avec lâordre de sâemparer de la dame de Torigny, lâamie et la cousine de la reine Marguerite, et de la jeter dans la riviĂšre. Ces mĂ©crĂ©ants, sans autre forme de procĂšs, sâemparent du chĂąteau Ă minuit. Ils mettent le manoir au pillage, et quand ils se sont bien gorgĂ©s de viande et de vins, ils lient cette misĂ©rable dame sur un cheval pour la jeter Ă la riviĂšre... Deux cavaliers, amis de la reine Marguerite, passaient par lĂ Ă la mĂȘme heure, et voyant le traitement que subissait la dame de Torigny, ils la dĂ©livrent et la mĂšnent au roi de Navarre. A cette nouvelle, la colĂšre de la reine mĂšre et de son digne fils ne connaĂźt plus de bornes ; ils veulent que la reine Marguerite leur serve au moins dâotage, et la voilĂ prisonniĂšre et seule, et pas un ami qui la console. Il y en eut un, cependant, ami dĂ©vouĂ© de la mauvaise fortune, un vrai chevalier, M. de Crillon, qui sâen vint, chaque jour, visiter la captive, et pas un des gardiens nâosa refuser le passage Ă ce brave homme. Cependant le roi de Navarre avait regagnĂ© son royaume ; il attirait Ă sa bonne mine, Ă sa juste cause, un grand nombre de gentilshommes. Il retrouvait son petit trĂ©sor trĂšs grossi par lâĂ©pargne de sa sĆur Catherine ; et, comme chacun lui reprĂ©sentait quâil eĂ»t bien fait dâamener avec lui la reine Marguerite, il lui Ă©crivit une belle lettre, dans laquelle il la rappelait de toutes ses forces, remettant sa cause entre ses mains, et dĂ©plorant sa captivitĂ©. Henri III sâobstinait ; mais la reine mĂšre eut compris bien vite que lâinjustice dont elle accablait sa propre fille Ă©tait une grande faute. Elle mâenvoya quĂ©rir, voua dira Marguerite en ses MĂ©moires, quâelle avoit disposĂ© les choses dâune façon pacifique, et que si je faisais un bon accord entre le roi et le roi de Navarre, je la dĂ©livrerais dâun mortel ennui qui la possĂ©dait. A ces causes, elle me priait que lâinjure que jâavois reçue ne me fit dĂ©sirer plutĂŽt la vengeance que la paix ; que le roi en Ă©toit marry, quâelle lâen avait vu pleurer, et quâ il me feroit telle satisfaction que jâen resterois contente. » Au mĂȘme instant, Henri III frappait Ă la porte de la jeune reine, et lui demandait pardon, avec une infinitĂ© de belles paroles. Elle rĂ©pondit Ă son frĂšre quâelle avait dĂ©jĂ oubliĂ© toutes ses peines, et quâelle le remerciait de lâavoir plongĂ©e en cette solitude, oĂč elle avait compris les vanitĂ©s de la fortune. Cependant, quand elle demanda la permission dâaller rejoindre, en Navarre, le mari qui la rappelait, elle nâobtint que des refus, la reine et le roi lui remontrant que le roi de Navarre avait abjurĂ© la religion catholique, quâil Ă©tait redevenu huguenot, et quâil Ă©tait plus menaçant que jamais. CâĂ©tait lâheure oĂč sâouvraient les Ă©tats de Blois, oĂč les catholiques organisaient la suinte Ligue, oĂč le royaume Ă©tait en feu, oĂč plus que jamais les huguenots Ă©taient suspects. La guerre civile approchait ; on lâentendait venir de toutes parts, et plus les huguenots Ă©taient menacĂ©s, plus la reine de Navarre sollicitait la permission de rejoindre son mari. Ce fut le plus beau moment de sa vie, Ă vrai dire ; elle Ă©tait Ă©loquente en raison de tant de menaces et de pĂ©rils Non, non, disait le roi de France, vous nâirez pas rejoindre un huguenot. Jâai rĂ©solu dâexterminer cette misĂ©rable religion qui nous fait tant de mal, et vous, qui ĂȘtes catholique et fille de France, je nâirai pas vous exposer aux vengeances de ces traĂźtres. » Plus il parlait, plus il menaçait, plus le danger Ă©tait grand dâune fuite Ă travers la France, et plus la jeune reine Ă©tait rĂ©solue Ă ne pas demeurer dans une cour oĂč le nom de son mari Ă©tait chargĂ© de tant de malĂ©dictions. Mais que faire et que devenir ? Comment Ă©chapper Ă cette surveillance de tous les jours ? La jeune reine imagina de se faire commander, par les mĂ©decins, une saison aux eaux de Spa, et le roi, cette fois, consentit au dĂ©part de sa sĆur, par une arriĂšre-pensĂ©e quâil avait dâĂȘtre agrĂ©able aux Flamands et de reprendre en temps opportun les Flandres au roi dâEspagne. A cette ouverture, Henri de France fut Ă©bloui, et sâĂ©cria soudain O reine, ne cherchez plus ; il faut que vous alliez aux eaux de Spa. Vous direz que les mĂ©decins vous les ont ordonnĂ©es, quâĂ cette heure la saison est propice, et que je vous ai commandĂ© dây aller. Bien plus, la princesse de la Roche-sur-Yon mâa promis de vous accompagner. » VoilĂ comment ce bon sire fut dupe de son ambition dâavoir les Flandres. La reine mĂšre, de son cĂŽtĂ©, ne vit, tout dâabord, que lâavantage de cette grande conquĂȘte et, sans soupçonner Ă sa fille une arriĂšre-pensĂ©e, elle consentit Ă son dĂ©part. Comme elle avait toujours en sa rĂ©serve politique un projet cachĂ©, elle fit prĂ©venir, par un courrier, le gouverneur des Flandres pour le roi dâEspagne, en demandant les passeports nĂ©cessaires pour ce long voyage. Or, le gouverneur des Flandres nâĂ©tait rien moins que ce cĂ©lĂšbre, ce fameux don Juan dâAutriche, vainqueur Ă LĂ©pante, et qui comptait parmi ses soldats ce vaillant et divin gĂ©nie appelĂ© Michel Cervantes. La reine mĂšre, en ce moment, se rappelait lâĂ©blouissement de don Juan dâAutriche Ă lâaspect de sa fille Marguerite, et comme, en plein Louvre, il lâavait comparĂ©e aux Ă©toiles, avec une ardeur toute castillane Allez, ma fille, et songez aux intĂ©rĂȘts de la France ! » disait la reine mĂšre, et dĂ©jĂ , dans sa pensĂ©e, elle voyait don Juan dâAutriche offrir Ă la belle voyageuse au moins les domaines de lâĂ©vĂȘque de LiĂšge, dans lesquels murmuraient doucement ces belles eaux de Spa, salutaires fontaines encore inconnues, rĂ©servĂ©es Ă une si grande cĂ©lĂ©britĂ©. Ainsi, pendant que la reine mĂšre et le roi sâen allaient Ă Poitiers chercher lâarmĂ©e de M. de Mayenne, afin de la conduire en Gascogne contre le roi de Navarre et les huguenots, la reine Marguerite allait, Ă petites journĂ©es, dans ces Flandres quâelle ne songeait guĂšre Ă conquĂ©rir. Elle Ă©tait accompagnĂ©e en ce beau voyage de Mme princesse de la Roche-sur-Yon, de Mme de Tournon, sa dame dâhonneur, de Mme de Mouy de Picardie, de Mme de Castelaine de Millon, de Mlle dâAtrie, de Mlle de Tournon, et de sept ou huit autres demoiselles des meilleures maisons. A cette suite royale sâĂ©taient rĂ©unis M. le cardinal de Senoncourt, M. lâĂ©vĂȘque de Langres, M. de Mouy, enfin toute la maison de la reine, Ă savoir le majordome et le premier maĂźtre dâhĂŽtel, les pages, les Ă©cuyers et les gentilshommes. La compagnie Ă©tait jeune, Ă©lĂ©gante ; elle faisait peu de chemin en un jour ; elle fut la bienvenue, et trouva toutes sortes de louanges sur son passage Jâallois en une littiĂšre faite Ă piliers doublez velours incarnadin dâEspagne en broderie dâor et de soye nuĂ©e Ă devise. Cette littiĂšre Ă©toit toute titrĂ©e et les vitres toutes faites Ă devise ; y ayant, ou Ă la doublure ou aux vitres, quarante devises toutes diffĂ©rentes, avec les mots en espagnol, en italien, sur le soleil et ses effets ; laquelle Ă©toit suivie de la littiĂšre de Mme de la Roche-sur-Yon et de celle de Mme de Tournon, ma dame dâhonneur, et de dix filles Ă cheval avec leur gouvernante, et de six carrioles ou chariots, oĂč alloit le reste des dames et femmes dâelle et de moy. » Ăcoutez la belle voyageuse ; elle vous dira que tout cet appareil Ă©tait fait uniquement pour augmenter le respect des peuples et lâadmiration de lâĂ©tranger. Cependant, les villes sur la chemin du cortĂšge avaient grandâpeine Ă donner une hospitalitĂ© convenable Ă tant de princes, de princesses ou de seigneurs. Les campagnes Ă©taient ruinĂ©es de fond en comble, et le paysan, dans ses champs dĂ©vastĂ©s, voyant passer tant de splendeurs inutiles, se demandait sâil nâĂ©tait pas le jouet dâun rĂȘve. ArrivĂ©e Ă la frontiĂšre du CambrĂ©sis, la princesse errante trouva un gentilhomme que lui envoyait lâĂ©vĂȘque de Cambrai. Ce gentilhomme annonça que son maĂźtre allait venir, et lâĂ©vĂȘque, en effet, se montra, lui et sa suite, vĂȘtus comme des Flamands, et beaucoup plus Espagnols que Français. Que dis-je ? Ils se vantaient dâĂȘtre les amis et les envoyĂ©s de ce mĂȘme don Juan dâAutriche, un des grands admirateurs de la princesse, avant quâelle ne fĂ»t reine de Navarre. Du milieu des fĂȘtes du Louvre, et de tant dâintrigues de la cour des Valois, don Juan nâavait rapportĂ© que lâimage et le souvenir de la reine Marguerite. A la nouvelle de son voyage, il Ă©tait accouru au-devant de la princesse, et il vint lâattendre aux portes de Cambrai, une grande citĂ© fortifiĂ©e, et des plus belles de la chrĂ©tientĂ© par sa citadelle et par ses Ă©glises. Il y eut, le mĂȘme soir de cette entrĂ©e, une grande fĂȘte au palais Ă©piscopal, un festin suivi dâun grand bal, le bal suivi dâune collation de confitures. La jeune reine eut, ce mĂȘme soir, pour la conduire, le gouverneur du chĂąteau fort. En ce temps-lĂ , Cambrai appartenait encore Ă lâEspagne, et sâil nâeĂ»t fallu quâun sourire, une bonne parole, pour sâemparer de ce dernier rempart de lâEspagne et donner Ă la France une si belle citĂ©, Marguerite eĂ»t fait volontiers ce grand sacrifice. Au moins, si elle ne prit pas la ville, elle eut le grand talent de savoir comment on la pouvait prendre. Elle sâinquiĂ©ta de ses dĂ©fenses ; elle voulut connaĂźtre le nombre et la profondeur des fossĂ©s ; comment la citadelle Ă©tait gardĂ©e, et quels en Ă©taient les cĂŽtĂ©s vulnĂ©rables. A toutes ces questions, faites avec un art digne de la meilleure Ă©lĂšve de Catherine de MĂ©dicis, le gouverneur de Cambrai, qui voulait ĂȘtre agrĂ©able Ă tout prix, eut la condescendance de rĂ©pondre. Il fit plus, il accepta la proposition que lui fit la jeune reine de lâaccompagner jusquâĂ Namur, et dans ce voyage, qui ne dura pas moins de douze jours, elle abattit le peu de rĂ©sistance et dâorgueil qui restaient dans lâesprit du gouverneur. Malheureusement, don Juan veillait sur toute chose. Il nâeut rien refusĂ© Ă la belle voyageuse, mais il nâĂ©tait pas homme Ă lui donner un pouce de terrain dans les terres qui appartenaient Ă lâEspagne. Et cependant, toutes ces villes flamandes luttaient de courtoisie. Elles Ă©taient beaucoup plus riches que les villes françaises, et dâune hospitalitĂ© vraiment royale. A Valenciennes, Marguerite admira les belles places, les belles Ă©glises, les fontaines dâeau jaillissante ; elle et sa suite furent frappĂ©es dâĂ©tonnement au carillon harmonieux de toutes ces belles horloges, dont chacune exhalait son cantique dans les airs doucement rĂ©jouis. Ces Flandres ont de tout temps excellĂ© dans ces rĂ©crĂ©ations Ă lâusage dâune ville entiĂšre. Elles aimaient la parade publique, les jardins, les musĂ©es, la fĂȘte Ă laquelle chacun prend sa part. Elles aimaient la justice et la gaietĂ© ; elles exĂ©craient lâEspagne et les Espagnols. Le nom de Philippe II et celui du digne exĂ©cuteur de ses terribles volontĂ©s, le duc dâAlbe, retentissaient dans les cĆurs flamands comme un remords. Ils pleuraient le comte dâEgmont, dĂ©capitĂ© avec le comte de Horn, comme sâils eussent Ă©tĂ© participants Ă son meurtre. De ces cruels souvenirs leurs fĂȘtes Ă©taient tr oublĂ©es ; mais sitĂŽt quâils possĂ©dĂšrent la reine Marguerite, ces pays maltraitĂ©s oubliĂšrent, pour un instant, leur cruel ressentiment. Ce fut Ă qui serait le plus hospitalier pour la princesse, et les plus belles Flamandes, familiĂšres et joyeuses câest leur naturel, accoururent au-devant de lâĂ©trangĂšre avec tant de grĂące et dâhonnĂȘtetĂ©, quâelles la retinrent pendant huit jours. Lâune dâelles, la principale de la ville, nourrissait son enfant de son lait, et comme elle Ă©tait assise Ă table Ă cĂŽtĂ© de Marguerite, la princesse admira tout Ă son aise la belle Flamande et le costume quâelle portait Elle Ă©toit parĂ©e Ă ravir et couverte de pierreries et de broderies, avec une rabille Ă lâespagnole de toile dâor noire, avec des bandes de broderie de canetille dâor et dâargent, et un pourpoint de toile dâargent blanche en broderie dâor, avec de gros boutons de diamants habit appropriĂ© Ă lâoffice de nourrice. » Ainsi faite, elle Ă©tait Ă©blouissante ; mais Ă©coutez la suite et le couronnement du festin. Quand on fut au dessert, la jeune mĂšre eut souci de son nourrisson et fit signe quâon le lui apportĂąt. On lui apporta lâenfant, emmaillotĂ© aussi richement quâestoit vestuĂ« la nourrice. Elle le mit entre nous deux sur la table, et librement donna Ă teter Ă son petit. Ce qui eust Ă©tĂ© tenu Ă incivilitĂ© Ă quelquâautre ; mais elle le faisoit avec tant de grĂące et de naĂŻvetĂ©, comme toutes ses actions en Ă©toient accompagnĂ©es, quâelle en reçut autant de louanges que la compagnie de plaisir. » Si vous aimez les tableaux flamands, en voilĂ un tracĂ© de main de maĂźtre, avec une extrĂȘme Ă©lĂ©gance, et câest grand dommage que dans ces Flandres, fĂ©condes en grands artistes, pas un nâait songĂ© Ă reproduire sur une toile intelligente un si charmant spectacle. Or, la reine Marguerite, ayant domptĂ© le gouverneur de Cambrai, vint facilement Ă bout des dames de Mans â Comment donc, leur dit-elle, ne pas vous aimer, vous trouvant toutes françaises ? â HĂ©las ! rĂ©pondaient ces dames, nous Ă©tions Françaises autrefois ! Nous savons la France aussi bien que les Français ; nous la regrettons, nous la pleurons, mais les Espagnols sont les plus forts. Dites cela, Madame, Ă votre frĂšre le roi de France, afin quâil nous vienne en aide, et dites-lui que sâil fait un pas, nous en ferons deux, tant nous sommes disposĂ©s Ă reconnaĂźtre, Ă saluer sa couronne. Ainsi ces dames parlaient sans crainte, et conspiraient franchement, sans perdre une sarabande, une chanson. Le lendemain, Marguerite, avant son dĂ©part, sâen fut visiter un bĂ©guinage, qui est une espĂšce de couvent, composĂ© de quantitĂ© de petites maisons dans lesquelles sont Ă©levĂ©es de jeunes demoiselles par des religieuses savantes. Elles portent le voile jusquâĂ vĂȘpres, et, sitĂŽt les vĂȘpres dites, elles se parent de leurs plus beaux atours, et sâen vont dans le plus grand monde, oĂč elles trouvent trĂšs bien leur place. A la fin il fallut se quitter, et Marguerite, pour reconnaĂźtre une hospitalitĂ© si libĂ©rale, distribua toutes sortes de prĂ©sents Ă ces dames qui lâavaient si bien reçue tant de chaĂźnes, de colliers, de bracelets, de pierreries, si bien quâelle fut reconduite jusquâĂ mi-chemin de Namur, oĂč commandait un des plus vieux courtisans de la cour de Philippe II. Sur les confins de Namur, reparut don Juan dâAutriche, accompagnĂ© des seigneurs les plus qualifiĂ©s de la cour dâEspagne et dâune grande suite dâofficiers et gentilshommes de sa maison, parmi lesquels Ă©tait un Ludovic de Gonzague, parent du duc de Mantoue. Il mit pied Ă terre pour saluer lâillustre voyageuse, et quand la cortĂšge reprit sa marche, il accompagna la litiĂšre royale Ă cheval. Toute la ville de Namur Ă©tait illuminĂ©e ; il nâĂ©tait pas une fenĂȘtre oĂč les belles Françaises ne pussent lire une devise Ă la louange de leur reine. Un palais vĂ©ritable Ă©tait prĂ©parĂ© pour la recevoir, et le moindre appartement Ă©tait tendu des plus riches tapisseries de velours, de satin, ou de toile dâargent couverte de broderies, sur lesquelles Ă©taient reprĂ©sentĂ©s des personnages vĂȘtus Ă lâantique. Si bien que lâon eĂ»t dit que ces merveilles appartenaient Ă quelque grand roi, et non pas Ă quelque jeune prince Ă marier, tel que don Juan dâAutriche. Et notez bien que la plus riche magnificence avait Ă©tĂ© rĂ©servĂ©e pour la tenture de la chambre Ă coucher de la reine. On y voyait reprĂ©sentĂ©e admirablement la Victoire de LĂ©pante, honneur de don Juan. AprĂšs une bonne nuit, oĂč les enchantements de ce voyage apparaissaient en rĂȘve, la reine se leva et, sa toilette Ă©tant faite, elle sâen fut ouĂŻr une messe en musique Ă lâespagnole, avec violons, violes de basse et trompettes. AprĂšs la messe, il y eut un grand festin ; Marguerite et don Juan Ă©taient assis Ă une table Ă part. Toute lâassemblĂ©e en habits magnifiques ; dames et seigneurs dĂźnaient Ă des tables sĂ©parĂ©es de la table royale, et lâon vit ce mĂȘme Ludovic de Gonzague Ă genoux aux pieds de don Juan et lui servant Ă boire. Ah ! tels Ă©taient lâorgueil et le faste de ces princes espagnols, que mĂȘme les princes illĂ©gitimes Ă©taient traitĂ©s comme des rois. Ainsi, deux journĂ©es se passĂšrent dans les fĂȘtes de la nuit et du jour, pendant que lâon prĂ©parait les bateaux qui, par la douce riviĂšre de Meuse, une suite de frais paysages, devaient conduire jusquâĂ LiĂšge la re ine de Navarre. Elle marcha, jusquâau rivage, sur un tapis aux armes de don Juan. Le bateau qui la reçut Ă©tait semblable Ă la galĂšre de ClĂ©opĂątre, au temps fabuleux de la reine dâĂgypte. Autour de ce riche bateau, que la riviĂšre emportait comme Ă regret, se pressaient des barques lĂ©gĂšres, toutes remplies de musiciens et de chanteurs, qui chantaient leurs plus belles chansons, avec accompagnement de guitares et de hautbois. Dans ces flots hospitaliers, clairs et limpides, oĂč le soleil brillait de son plus vif Ă©clat, une Ăźle, en façon de temple, mais dâun temple soutenu par mille colonnes, arrĂȘta soudain cette brillante fĂ©erie. Alors recommencĂšrent les danses et les festins de plus belle, et voilĂ comment ils arrivĂšrent Ă LiĂšge, oĂč monseigneur lâĂ©vĂȘque avait donnĂ© des ordres pour recevoir dignement les hĂŽtes du seigneur don Juan dâAutriche. Mais, Ă peine arrivĂ©e dans cette ville hospitaliĂšre, Marguerite essuya comme une tempĂȘte. On eĂ»t dit que le dĂ©luge Ă©tait dĂ©chaĂźnĂ© sur le rivage et dans les rues, et la peur fut si grande, que Mlle de Tournon, lâune des demoiselles dâhonneur, non pas la moins belle et la moins charmante, expira de fatigue et de terreur. Câest trĂšs vrai nulle joie, ici-bas, sans mĂ©lange. Il faut que chacun paye Ă son tour les prospĂ©ritĂ©s de son voyage, et ce fut un grand deuil pour Marguerite. Elle resta trois jours enfermĂ©e en son logis ; mais quand elle eut bien pleurĂ© sa chĂšre compagne, elle consentit que lâĂ©vĂȘque de LiĂšge la vĂźnt saluer dans la maison quâil avait fait prĂ©parer pour la recevoir. Cet Ă©vĂȘque Ă©tait un prince souverain, de bonne mine et bien fait de sa personne. Il portait de la plus agrĂ©able façon la couronne et la mitre, le sceptre et lâĂ©pĂ©e ou le bĂąton pastoral. Il Ă©tait magnifique en toute chose, et marchait entourĂ© dâun chapitre Ă ce point distinguĂ© que les moindres chanoines Ă©taient fils de ducs, de comtes et de grands seigneurs, comme on nâen voyait que dans les grandes Ă©glises des chanoines-comtes de Lyon. Chacun des chanoines de LiĂšge habitait un palais dans quelquâune de ces rues grandes et larges, ou sur ces belles places ornĂ©es de fontaines. Le palais Ă©piscopal Ă©tait un Louvre, oĂč le prince-Ă©vĂȘque avait rĂ©uni les chefs-dâĆuvre de lâĂ©cole flamande et les plus belles toiles de lâĂ©cole italienne. Il Ă©tait grand amateur de jardins ; ses jardins Ă©taient peuplĂ©s de statues. AprĂšs trois jours de fĂȘtes vraiment royales, la jeune reine songea enfin Ă prendre le chemin de Spa. Spa, qui est aujourdâhui une ville arrangĂ©e et bĂątie Ă plaisir, lieu cĂ©lĂšbre et charmant, le rendez-vous des fĂȘtes de lâĂ©tĂ©, une source oĂč tout jase, un bois oĂč tout chante, nâĂ©tait guĂšre, en ce temps-lĂ , quâun lieu sauvage et sans nom, composĂ© de deux ou trois cabanes oĂč les buveurs dâeau sâabritaient Ă grandâpeine. Un forgeron du pays avait dĂ©couvert le premier, par sa propre expĂ©rience, la vertu de ces eaux salutaires. Il les avait cĂ©lĂ©brĂ©es de toutes ses forces ; mais le moyen de coucher Ă la belle Ă©toile ? Et voilĂ pourquoi cette heureuse ville de Spa, la citĂ© favorite de la Belgique, a gardĂ© prĂ©cieusement dans ses annales le souvenir de la reine Marguerite, non moins quâune reconnaissance extrĂȘme pour ce terrible et singulier gĂ©nie appelĂ© Pierre le Grand, qui sâen vint, deux siĂšcles plus tard, demander Ă la fontaine du Pouhon quelques heures de sommeil et de rafraĂźchissement. Mais dans lâĂ©tat misĂ©rable de ce pays et de cette forĂȘt des Ardennes, oĂč les loups avaient choisi leur domicile, un Ă©vĂȘque aussi galant homme, aussi bien Ă©levĂ© que lâĂ©vĂȘque de LiĂšge, ne pouvait pas consentir quâune reine de Navarre, en si belle compagnie, acceptĂąt les obstacles, les pĂ©rils, lâisolement, les ennuis de ces tristes contrĂ©es. En vain la magnificence de ces bois sĂ©culaires, le murmure enchanteur de ces frais ruisseaux, le flot mystĂ©rieux de ces ondes charmantes, pleines de fĂ©conditĂ©, de santĂ©, dâespĂ©rance, attiraient Ă leur charme infini ces belles voyageuses, la grĂące et lâornement de la maison de Valois... La reine Marguerite et la princesse de la Roche-sur-Yon, qui nâĂ©taient pas trĂšs Ă©prises de lâĂ©lĂ©gie et de lâidylle champĂȘtre, eurent bientĂŽt consenti Ă la proposition que leur faisait Sa GrĂące Mgr lâĂ©vĂȘque de LiĂšge. Il proposait que ces dames, une ou deux fois par semaine, iraient Ă cheval sâabreuver aux claires fontaines, et que, le reste du temps, la fontaine irait elle-mĂȘme au-devant des buveuses dâeau. AussitĂŽt que le bruit se rĂ©pandit du sĂ©jour de ces dames françaises, on vit accourir Ă LiĂšge, de la frontiĂšre des Flandres et mĂȘme du fond de lâAllemagne, les dames les plus qualifiĂ©es, et ces rĂ©unions, toutes pleines dâhonneur et de joie, ont laissĂ© dans la province un tel souvenir, quâelle sâen souvient encore. Ainsi, la reine Marguerite oublia la mort subite de cette aimable Mlle de Tournon, sa douce compagne ! et ce jeune corps, aussi malheureux quâinnocent et glorieux, fut rapportĂ© dans sa patrie en un drap blanc couvert de fleurs. » Chaque matin, quâelle se rendit Ă Spa, ou quâelle bĂ»t les eaux dans les jardins de lâĂ©vĂȘchĂ© lesquelles eaux veulent ĂȘtre tracassĂ©es et promenĂ©es en disant des choses rĂ©jouissantes, la reine allait en bonne compagnie. Elle Ă©tait chaque jour invitĂ©e Ă quelque festin ; aprĂšs le dĂźner, elle allait entendre les vĂȘpres en quelque maison religieuse ; puis la musique et le bal pendant six semaines. Câest le temps dâune cure ; au bout de six semaines, la santĂ© est revenue. Il fallut donc repartir, mais en six semaines, dĂ©jĂ , que de changements dans la province ! Elle Ă©tait Ă feu et Ă sang ; le galant don Juan dâAutriche sâĂ©tait emparĂ© de Namur et des meilleurs seigneurs de la province. Alors, un grand conflit entre les catholiques de Flandre et les huguenots du prince dâOrange. Or, nĂ©cessairement, il fallait traverser toute cette bagarre, en danger dâĂȘtre prise par lâun ou lâautre parti. Cette fois encore apparut lâĂ©vĂȘque de LiĂšge ; il protĂ©gea jusquâĂ la fin les dames dont il avait Ă©tĂ© lâhĂŽte assidu. Il leur donna, pour les accompagner, son grand maĂźtre et ses chevaux ; mais ces damnĂ©s parpaillots manquaient tout Ă fait de courtoisie. Ils prĂ©tendirent que la reine ne pouvait pas rentrer en France avant dâavoir payĂ© toutes ses dettes. Ils niĂšrent Ă lâĂ©vĂȘque de LiĂšge le droit de signer des passeports. On crie Aux armes ! sur le passage de la reine, aux mĂȘmes lieux oĂč naguĂšre on criait Vive la reine ! Ces mĂȘmes portes des villes qui sâouvraient devant elle Ă son arrivĂ©e se fermaient brutalement Ă son retour. Cependant rien nâarrĂȘtait la jeune reine ; elle se savait Ă©loquente, et parlait Ă la multitude, apaisant celui-ci, souriant Ă celui-lĂ , Ă©galement inquiĂšte des Allemands, des Espagnols, des huguenots, de ce mĂȘme don Juan, naguĂšre empressĂ© comme un amoureux autour de sa fiancĂ©e. O peines du voyage ! et cependant la dame avait rĂ©solu de rejoindre en toute hĂąte la cour de Navarre, mais non pas sans avoir saluĂ© son frĂšre, le roi de France. Or, laissant lĂ sa litiĂšre, elle monte Ă cheval et sâen va, par des chemins dĂ©tournĂ©s, frapper aux portes de Cambrai. La ville hospitaliĂšre accueillit la f ugitive, et bientĂŽt Ă Saint-Denis mĂȘme, et sur le seuil de la grande basilique oĂč lâabbĂ© Suger a laissĂ© tant de souvenirs, le roi, la reine et toute la cour de France accoururent au-devant de Madame Marguerite. On lui fit raconter, Dieu le sait, toutes les merveilles de son voyage, et quand elle vit le roi son frĂšre en si belle humeur, elle lui demanda la permission de rejoindre enfin le roi son mari, en le priant de lui constituer une dot, et promptement, tant elle avait hĂąte de se rendre Ă son poste naturel. Pendant six grands mois elle renouvela sa priĂšre Attendons ! » disait la reine mĂšre ; et Patientons ! » disait la roi. Il se mĂ©fiait de tout le monde, et quand sa sĆur lui demandait dâoĂč lui venaient ces craintes et ces doutes, il rĂ©pondait gravement que les simples mortels nâavaient pas le droit de demander aux rois, non plus quâaux dieux, les motifs de leurs dĂ©cisions. Or, toutes ces brouilleries finissaient toujours par cet ordre absolu Ma fille, allez vous parer pour le souper et pour le bal. » Depuis que le roi de Navarre sâĂ©tait Ă©chappĂ© du Louvre, les portes du Louvre Ă©taient gardĂ©es si curieusement que pas un nâen passait le seuil quâon ne le regardĂąt au visage. Aussi bien, lorsque, aprĂšs six mois de patience et de promesses non tenues, la jeune reine eut rĂ©solu de sâĂ©chapper du Louvre, elle se fit apporter en secret un cĂąble qui plongeait de sa fenĂȘtre dans le fossĂ© du chĂąteau, et, par une nuit sombre, un soir que le roi ne soupait point et que la reine mĂšre soupait seule en sa petite salle, la reine Marguerite se mit au lit, entourĂ©e de ses dames dâhonneur, et tout de suite, aprĂšs quâelles se furent retirĂ©es, elle allait descendre, Ă tout hasard. Heureusement, un surveillant du chĂąteau arrĂȘta cette belle fuite, et la reine mĂšre, touchĂ©e enfin par tant dâobstination, consentit Ă doter sa fille et Ă la rendre Ă son mari, Ă condition quâelle maintiendrait la paix entre les deux royaumes. Ah ! comme elle respira librement lorsquâelle vit accourir le roi de Navarre au-devant dâelle, accompagnĂ© des seigneurs et gentilshommes de la religion de Gascogne ! Ainsi, lâun et lâautre, ils se rendirent Ă petites journĂ©es dans le chĂąteau de Pau, en BĂ©arn, en pleine religion rĂ©formĂ©e, et ce fut Ă peine si la reine Marguerite obtint la permission dâentendre la messe avec quatre ou cinq catholiques. Il fallait, dans ces grands jours, fermer les portes du chĂąteau, tant les catholiques de la contrĂ©e Ă©taient dĂ©sireux dâassister au saint sacrifice, dont ils Ă©taient privĂ©s depuis si longtemps. Ainsi, fanatisme et cruautĂ© des deux parts ; mĂȘme on ne saurait croire Ă quel point le BĂ©arnais poussait la rigueur jusquâĂ chasser Ă coups de hallebarde ses malheureux sujets catholiques pour avoir assistĂ© Ă la messe de leur reine. Il y avait cependant un parlement Ă Pau ; mais câĂ©tait un parlement huguenot, qui donna tort Ă la reine quand elle se plaignit des procĂ©dĂ©s du roi son mari. CâĂ©tait bien la peine, en effet, de lâĂȘtre venue chercher de si loin ! Il supportait pĂ©niblement la prĂ©sence de sa jeune Ă©pouse, et finit par la relĂ©guer Ă NĂ©rac, oĂč elle rencontra, belle, intelligente et bienveillante aussi, sa belle-sĆur, la princesse Catherine, amie et confidente du roi son frĂšre. Or Catherine Ă©tait une grande Ăąme, affable et juste, aimant la libertĂ© de conscience autant quâelle aimait la belle compagnie. On ferait un charmant rĂ©cit de ces deux cours de NĂ©rac, de ces deux religions vivant lâune Ă cĂŽtĂ© de lâautre, en toute courtoisie. Et chaque dimanche, aprĂšs le prĂȘche, aprĂšs la messe, huguenots et catholiques se promenaient ensemble, et se donnaient la main, dans un trĂšs beau jardin, par de longues allĂ©es de lauriers et de cyprĂšs, le long dâune belle riviĂšre, et le soir, ces dames et ces messieurs, rĂ©unis par la religion du plaisir, dansaient ensemble. On dirait dâun conte de fĂ©es. Mais quoi ! ces haines nâĂ©taient quâendormies. La guerre civile et religieuse Ă©tait recouverte Ă peine sous des cendres brĂ»lantes. Le marĂ©chal de Biron, Ă la tĂȘte des soldats du roi catholique, enlevait au roi huguenot les meilleures places de son royaume de Navarre. Ah ! Sire, Ă©crivait la reine Marguerite au roi de France, retenez le marĂ©chal de Biron, Ă©pargnez notre petite cour de NĂ©rac, commandez Ă vos capitaines de respecter ma belle-sĆur, Madame Catherine... » Elle prĂȘchait dans le dĂ©sert. Henri de Navarre et le marĂ©chal de Biron se battaient tout le jour et tous les jours. Le canon avait peine Ă respecter le chĂąteau dans lequel sâĂ©taient rĂ©fugiĂ©es toutes ces belles jeunesses ; enfin ce nâĂ©tait pas le compte du roi de France dâaccorder la pais au roi de Navarre, qui, du reste, ne la demandait guĂšre. Ainsi, chaque jour diminuait pour Madame Marguerite lâamitiĂ© et les bons souvenirs du roi son frĂšre, pendant que le roi son mari oubliait sa jeune Ă©pouse. HĂ©las ! le roi Charles IX lâavait bien dit En donnant ma sĆur Margot au prince de BĂ©arn, je la donne au plus infidĂšle de tous les hommes. » Quelle diffĂ©rence entre ces deux femmes Catherine de Bourbon et Marguerite de Valois ! Catherine avait foi dans les destinĂ©es de son frĂšre ; elle ne voyait rien de plus rare et de plus grand que son courage ; elle a consacrĂ© sa vie entiĂšre Ă la grandeur naissante de cette maison de Bourbon, que la trahison du connĂ©table de Bourbon avait rĂ©duite Ă des proportions si misĂ©rables. Ainsi, Catherine de Navarre est morte Ă la peine, en se glorifiant dâavoir tant contribuĂ© Ă lâĂ©tablissement de la royautĂ© française. Au contraire, Marguerite est un obstacle aux vastes projets de son maĂźtre et seigneur, marchant Ă la conquĂȘte du royaume de France. Au moment oĂč le BĂ©arnais avait besoin de toutes ses forces, elle cherche Ă se composer un petit royaume Ă son usage personnel, et lorsque enfin Paris ouvre ses portes au roi victorieux, lorsquâil est rentrĂ© dans le sein de lâĂglise catholique, le roi cherche en vain la reine sa compagne. La France lâavait dĂ©jĂ oubliĂ©e. Elle Ă©tait Valois, la France entiĂšre Ă©tait Bourbon. Cependant le nouveau roi de France aspirait au bonheur dâun mariage rĂ©gulier. Il avait dĂ©cidĂ© quâil laisserait son sceptre Ă des hĂ©ritiers lĂ©gitimes, et il commandait, plus quâil ne sollicitait, un divorce devenu nĂ©cessaire. HĂ©las ! en ce moment, la reine Marguerite comprit enfin dans quel abĂźme elle Ă©tait tombĂ©e. Elle vit toute lâĂ©tendue de sa peine, et lâincomparable majestĂ© de cette couronne, qui allait ĂȘtre encore une fois la premiĂšre entre toutes les couronnes de lâEurope. Et si profonde, en effet, cette chute apparaissait aux regards du monde entier, que lorsque la reine infortunĂ©e eut consenti au divorce, Henri IV fut le premier Ă la prendre en pitiĂ©. Son cĆur Ă©tait bon, autant que son Ăąme Ă©tait grande. Au moment de se sĂ©parer de cette Ă©pouse quâil avait prise, Ă©clatante et superbe, en sa dix-huitiĂšme annĂ©e, au milieu des fĂȘtes et des pĂ©rils de tout genre, Ă la veille de la Saint-BarthĂ©lemy, dâabominable mĂ©moire, il revit dâun coup dâoeil toute sa jeunesse Ă©coulĂ©e ; tant de grĂące, de dĂ©vouement, de charme enfin, lui revinrent en mĂ©moire, et il se prit Ă pleurer sur les ruines de ce mariage acceptĂ© sous de si tristes auspices. O malheureuse Marguerite ! sâĂ©criait le bon sire, il fallait donc que nous en vinssions Ă cette sĂ©paration, aprĂšs avoir partagĂ© tant de pĂ©rils, tant dâillustres aventures, et de si beaux jours ! Et jâen atteste ici Dieu lui-mĂȘme, il nâa pas tenu que de moi quâelle ne fĂ»t reine de France Ă mon cĂŽtĂ©, mais elle nâa pas voulu mâobĂ©ir et me servir. » Ainsi fut prononcĂ© le divorce. Voyez cependant lâinconstance et le changement dâun esprit futile et primesautier ! SitĂŽt quâelle eut renoncĂ© aux espĂ©rances dâun si beau trĂŽne, la reine Marguerite ressentit un dĂ©sir invincible de revoir la France et Paris, et ce grand roi dont elle nâĂ©tait plus lâĂ©pouse. En vain, ses conseillers lui disaient Prenez garde, il ne faut pas dĂ©plaire au roi, votre maĂźtre ; attendez son ordre et tenez vous Ă distance... » Elle nâobĂ©it quâĂ sa passion du moment, et, sans permission du roi son maĂźtre, elle fit dans Paris une entrĂ©e royale. Elle Ă©tait belle encore, et la ville entiĂšre, Ă la revoir, reconnut cette beautĂ© quâelle avait adorĂ©e. Elle eĂ»t frappĂ© aux portes du Louvre des rois ses aĂŻeux, les portes du Louvre se seraient ouvertes dâelles-mĂȘmes... Elle nâalla pas si loin. Elle sâĂ©tait bĂąti, avec une prĂ©voyance assez rare, une belle maison sur les bords de la Seine, au milieu de jardins magnifiques, et dans cette maison faite Ă son usage elle avait entassĂ©, curieuse et connaisseuse en toutes choses, les plus rares et les plus exquises merveilles de ces arts singuliers dont le goĂ»t du roi Henri III fut la derniĂšre expression. A peine installĂ©e en ce lieu charmant, la reine Marguerite eut une cour brillante, non pas tant de soldats et de capitaines ceux-lĂ se pressaient autour du BĂ©arnais, mais de beaux esprits, de poĂštes, dâhistoriens, de causeurs, attirĂ©s par la grĂące et lâenchantement de cette aimable dĂ©couronnĂ©e. Il y vint un des premiers, le roi Henri IV ; il sâamusait Ă ces fĂȘtes brillantes ; il se plaisait Ă ces surprises si bien mĂ©nagĂ©es. Il disait que toute la peine Ă©tait au Louvre et tout le plaisir chez la reine Marguerite. Elle avait le grand art de plaire ; elle plaisait, mĂȘme sans le vouloir. Henri IV la trouvait charmante, Ă prĂ©sent quâil nâĂ©tait plus son mari. M. de Sully, plus prĂ©voyant, rĂ©sistait Ă ces belles grĂąces, et quand la reine se plaignait des froideurs du premier ministre Il vous trouve un peu dĂ©pensiĂšre, disait le roi, et nous avons tant besoin dâargent !â Nous autres Valois, disait la reine en relevant sa tĂȘte fiĂšre, nous aimons la dĂ©pense et nous sommes prodigues.â Nous autres Bourbons, rĂ©pondait le roi, nous aimons lâĂ©conomie et nous sommes avares. » Il croyait rire, il disait juste. Ces princes de la maison de Valois Ă©taient splendides en toutes choses, hormis ce qui les concernait personnellement ; les princes de la maison de Bourbon sentaient lâĂ©pargne. Mais la reine Marguerite laissait gronder M. de Sully et redoublait de magnificence. Henri, pour elle, Ă©tait prodigue. On voyait quâil ne pouvait guĂšre se passer de cet aimable rendez-vous des belles causeries, des fĂȘtes intimes, de la musique et de tous les arts. Ainsi, par un bonheur bien rare, les fautes mĂȘmes de la reine Marguerite de Navarre ont fini par contribuer Ă sa gloire. Elle eut ce grand mĂ©rite, Ă©tant la fille dâune reine sanguinaire et tenant de si prĂšs au roi Charles IX, dâĂȘtre bonne et clĂ©mente. Elle haĂŻssait dâinstinct tous ces crimes dâĂtat quâelle avait entrevus dans ces ombres et dans ces fĂȘtes sanglantes. Plus dâune fois, ce grand roi Henri, comme il Ă©tait au comble des prospĂ©ritĂ©s et de la gloire, heureux partout, moins heureux dans son mĂ©nage, alla frapper Ă la porte de sa premiĂšre Ă©pouse, en la priant de le ramener aux premiĂšres journĂ©es pleines dâaurore et dâespĂ©rance. Ah ! câĂ©tait lĂ le bon temps [1] ; ils Ă©taient pauvres, ils Ă©taient en butte aux soupçons dâun roi jaloux, dâune reine impĂ©rieuse et dâune mĂšre implacable. Ils avaient assistĂ©, dans une nuit dâĂ©pouvante, au massacre de tous leurs amis, A grandâpeine ils sâĂ©taient enfuis de ce Louvre dont on leur faisait une prison, ils avaient menĂ© la vie errante, Ă travers mille dangers... Tels Ă©taient leurs discours Ă chaque rencontre, et toujours ils finissaient par se dire Ah ! câĂ©tait le bon temps. » ===VII.=== Lorsquâen 1610 la reine Marie de MĂ©dicis sollicita les honneurs du sacre, le roi Henri IV sâen vint chez Marguerite, et par tant de priĂšres et de bonnes paroles il obtint de la femme divorcĂ©e quâelle assisterait au sacre de la reine. Elle fit dâabord une certaine rĂ©sistance, et bientĂŽt, si vive Ă©tait sa croyance en sa propre beautĂ©, elle accueillit lâinvitation du roi son maĂźtre par un sourire, et lâon vit des vieillards de cent ans lâont racontĂ© plus tard au cardinal de Richelieu la foule, attentive Ă ces grandes cĂ©rĂ©monies dâun couronnement et dâun sacre, oublier la reine rĂ©gnante pour la reine disgraciĂ©e. Ce fut dans lâantique mĂ©tropole de Saint-Denis que sâaccomplit lâauguste cĂ©rĂ©monie. On y vit toute la cour dans son plus magnifique appareil. Le cardinal de Joyeuse eut lâhonneur de poser la couronne de France sur la tĂȘte de cette future grandâmĂšre de Louis XIV. La reine avait Monseigneur le Dauphin Ă sa droite, et Madame, fille du roi, Ă sa gauche. La traĂźne de la robe royale Ă©tait portĂ©e par la princesse de Montpensier, la princesse de CondĂ©, la princesse de Conti, le duc de VendĂŽme tenant le sceptre, et le chevalier de VendĂŽme la main de justice. Le roi, dans une tribune, assistait Ă cette fĂȘte... Tous les regards se portĂšrent, au mĂȘme instant, sur la reine divorcĂ©e. On eĂ»t dit quâelle Ă©tait la couronnĂ©e. Elle portait lâĂ©ventail comme un sceptre, et quand elle traversa cette illustre basilique de Saint-Denis, le peuple entier sâinclina devant cette ombre Ă©clatante et sereine de la maison de Valois. Le lendemain, le 14 mai 1610, Henri le Grand, le seul roi dont le peuple ait gardĂ© la mĂ©moire, tombait sous le couteau de Ravaillac ! Le monde entier pleura ce grand homme. Au milieu de lâuniverselle dĂ©solation se distingua la reine Marguerite par sa profonde et sincĂšre douleur. La reine sacrĂ©e et lĂ©gitime, Marie de MĂ©dicis elle-mĂȘme, a versĂ© des larmes moins sincĂšres sur le trĂ©pas de ce hĂ©ros, dont elle nâĂ©tait pas digne. Elle se consola beaucoup plus vite que la petite reine. Enfin, cinq ans aprĂšs la mort du roi, la dĂ©solĂ©e et repentante Marguerite de Navarre elles finissent toutes par une mort chrĂ©tienne rendait son Ăąme Ă Dieu, le 27 mars 1615. A lâĂąge de soixante-trois ans quâelle pouvait avoir, elle avait gardĂ© ce beau visage, oĂč toutes les majestĂ©s de la vie humaine et tous les bonheurs de la jeunesse, unis au bel esprit, avaient laissĂ© leur douce et sĂ©rieuse empreinte. Elle fut enterrĂ©e Ă Saint-Denis, dans le tombeau des rois. â Le lecteur ne pourra guĂšre sâempĂȘcher de trouver singuliĂšre cette qualification appliquĂ©e Ă une telle Ă©poque. Si Henri pouvait avec quelque raison regretter sa premiĂšre Ă©pouse, il Ă©tait difficile nĂ©anmoins de trouver bon le temps que les horreurs de la guerre civile, sous les derniers Valois, ont si terriblement gĂątĂ© ».
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LaroyautĂ©. La reine, le fou et Sa MajestĂ© le roi. Se prĂ©parent tous les trois. Pour le grand couronnement. Oyez, oyez! Petits ou grands. Sages ou tannants. Vous ĂȘtes maintenant. Les princes et princesses. Du royaume des enfants. Hourra! Vive la reine! Vive le roi! Le dragon endormi (Ouvrir chanson - Le dragon endormi) Imprimez.LES DROITS DE LA FEMME. Ă LA REINE. Madame,Peu faite au langage que lâon tient aux Rois, je nâemploierai point lâadulation des Courtisans pour vous faire hommage de cette singuliĂšre production. Mon but, Madame, est de vous parler franchement ; je nâai pas attendu, pour mâexprimer ainsi, lâĂ©poque de la LibertĂ© ; je me suis montrĂ©e avec la mĂȘme Ă©nergie dans un temps oĂč lâaveuglement des Despotes punissait une si noble audace. Lorsque tout lâEmpire vous accusait et vous rendait responsable de ses calamitĂ©s, moi seule, dans un temps de trouble et dâorage, jâai eu la force de prendre votre dĂ©fense. Je nâai jamais pu me persuader quâune Princesse, Ă©levĂ©e au sein des grandeurs, eĂ»t tous les vices de la bassesse. Oui, Madame, lorsque jâai vu le glaive levĂ© sur vous, jâai jetĂ© mes observations entre ce glaive et la victime ; mais aujourdâhui que je vois quâon observe de prĂšs la foule de mutins soudoyĂ©e, & quâelle est retenue par la crainte des loix, je vous dirai, Madame, ce que je ne vous aurois pas dit alors. Si lâĂ©tranger porte le fer en France, vous nâĂȘtes plus Ă mes yeux cette Reine faussement inculpĂ©e, cette Reine intĂ©ressante, mais une implacable ennemie des Français. Ah ! Madame, songez que vous ĂȘtes mĂšre et Ă©pouse ; employez tout votre crĂ©dit pour le retour des Princes. Ce crĂ©dit, si sagement appliquĂ©, raffermit la couronne du pĂšre, la conserve au fils, et vous rĂ©concilie lâamour des Français. Cette digne nĂ©gociation est le vrai devoir dâune Reine. Lâintrigue, la cabale, les projets sanguinaires prĂ©cipiteroient votre chĂ»te, si lâon pouvait vous soupçonner capable de semblables desseins. Quâun plus noble emploi, Madame, vous caractĂ©rise, excite votre ambition, et fixe vos regards. Il nâappartient quâĂ celle que le hasard a Ă©levĂ©e Ă une place Ă©minente, de donner du poids Ă lâessor des Droits de la Femme, et dâen accĂ©lĂ©rer les succĂšs. Si vous Ă©tiez moins instruite, Madame, je pourrais craindre que vos intĂ©rĂȘts particuliers ne lâemportassent sur ceux de votre sexe. Vous aimez la gloire songez, Madame, que les plus grands crimes sâimmortalisent comme les plus grandes vertus ; mais quelle diffĂ©rence de cĂ©lĂ©britĂ© dans les fastes de lâhistoire ! lâune est sans cesse prise pour exemple, et lâautre est Ă©ternellement lâexĂ©cration du genre humain. On ne vous fera jamais un crime de travailler Ă la restauration des mĆurs, Ă donner Ă votre sexe toute la consistence dont il est susceptible. Cet ouvrage nâest pas le travail dâun jour, malheureusement pour le nouveau rĂ©gime. Cette rĂ©volution ne sâopĂ©rera que quand toutes les femmes seront pĂ©nĂ©trĂ©es de leur dĂ©plorable sort, & des droits quâelles ont perdus dans la sociĂ©tĂ©. Soutenez, Madame, une si belle cause ; dĂ©fendez ce sexe malheureux, et vous aurez bientĂŽt pour vous une moitiĂ© du royaume, et le tiers au moins de lâautre. VoilĂ , Madame, voilĂ par quels exploits vous devez vous signaler et employer votre crĂ©dit. Croyez-moi, Madame, notre vie est bien peu de chose, sur-tout pour une Reine, quand cette vie nâest pas embellie par lâamour des peuples, et par les charmes Ă©ternels de la bienfaisance. Sâil est vrai que des Français arment contre leur patrie toutes les puissances ; pourquoi ? pour de frivoles prĂ©rogatives, pour des chimĂšres. Croyez, Madame, si jâen juge par ce que je sens, le parti monarchique se dĂ©truira de lui-mĂȘme, quâil abandonnera tous les tyrans, et tous les cĆurs se rallieront autour de la patrie pour la dĂ©fendre. VoilĂ , Madame, voilĂ quels sont mes principes. En vous parlant de ma patrie, je perds de vue le but de cette dĂ©dicace. Câest ainsi que tout bon Citoyen sacrifie sa gloire, ses intĂ©rĂȘts, quand il nâa pour objet que ceux de son pays. Je suis avec le plus profond respect, Madame, Votre trĂšs-humble et trĂšs- obĂ©issante servante, De Gouges. LES DROITS DE LA FEMME. Homme, es-tu capable dâĂȘtre juste ? Câest une femme qui tâen fait la question ; tu ne lui ĂŽteras pas du moins ce droit. Dis-moi ? Qui tâa donnĂ© le souverain empire dâopprimer mon sexe ? ta force ? tes talents ? Observe le crĂ©ateur dans sa sagesse ; parcours la nature dans toute sa grandeur, dont tu sembles vouloir te rapprocher, et donne-moi, si tu lâoses, lâexemple de cet empire tirannique[1]. Remonte aux animaux, conĆżulte les Ă©lĂ©mens, Ă©tudie les vĂ©gĂ©taux, jette enfin un coup-dâĆil sur toutes les modifications de la matiĂšre organisĂ©e ; et rends-toi Ă lâĂ©vidence quand je tâen offre les moyens ; cherche, fouille et distingue, si tu peux, les sexes dans lâadministration de la nature. Par-tout tu les trouveras confondus, par-tout ils coopĂšrent avec un ensemble harmonieux Ă ce chef-dâĆuvre immortel. Lâhomme seul sâest fagotĂ© un principe de cette exception. BiĆżarre, aveugle, boursoufflĂ© de sciences et dĂ©gĂ©nĂ©rĂ©, dans ce siĂšcle de lumiĂšres et de sagacitĂ©, dans lâignorance la plus crasse, il veut commander en despote sur un sexe qui a reçu toutes les facultĂ©s intellectuelles ; il prĂ©tend jouir de la rĂ©volution, et rĂ©clamer ses droits Ă lâĂ©galitĂ©, pour ne rien dire de plus. DĂCLARATION DES DROITS DE LAFEMME ET DE LA CITOYENNE, Ă dĂ©crĂ©ter par lâAssemblĂ©e nationale dans ses derniĂšres sĂ©ances ou dans celle de la prochaine lĂ©gislature. PrĂ©ambule. Les mĂšres, les filles, les sĆurs, reprĂ©sentantes de la nation, demandent dâĂȘtre constituĂ©es en assemblĂ©e nationale. ConsidĂ©rant que lâignorance, lâoubli ou le mĂ©pris des droits de la femme, sont les seules causes des malheurs publics et de la corruption des gouvernements, ont rĂ©solu dâexposer dans une dĂ©claration solemnelle, les droits naturels, inaliĂ©nables et sacrĂ©s de la femme, afin que cette dĂ©claration, constamment prĂ©sente Ă tous les membres du corps social, leur rappelle sans cesse leurs droits et leurs devoirs, afin que les actes du pouvoir des femmes, et ceux du pouvoir des hommes pouvant ĂȘtre Ă chaque instant comparĂ©s avec le but de toute institution politique, en soient plus respectĂ©s, afin que les rĂ©clamations des citoyennes, fondĂ©es dĂ©sormais sur des principes simples et incontestables, tournent toujours au maintien de la constitution, des bonnes mĆurs, et au bonheur de tous. En consĂ©quence, le sexe supĂ©rieur en beautĂ© comme en courage, dans les souffrances maternelles, reconnaĂźt et dĂ©clare, en prĂ©sence et sous les auspices de lâĂtre suprĂȘme, les Droits suivans de la Femme et de la Citoyenne. Article premier. La Femme naĂźt libre et demeure Ă©gale Ă lâhomme en droits. Les distinctions sociales ne peuvent ĂȘtre fondĂ©es que sur lâutilitĂ© commune. II. Le but de toute association politique est la conservation des droits naturels et impreĆżcriptibles de la Femme et de lâHomme ces droits sont la libertĂ©, la propriĂ©tĂ©, la sĂ»retĂ©, et sur-tout la rĂ©sistance Ă lâoppression. III. Le principe de toute souverainetĂ© rĂ©side essentiellement dans la Nation, qui nâest que la rĂ©union de la Femme et de lâHomme nul corps, nul individu, ne peut exercer dâautoritĂ© qui nâen Ă©mane expressĂ©ment. IV. La libertĂ© et la justice consistent Ă rendre tout ce qui appartient Ă autrui ; ainsi lâexercice des droits naturels de la femme nâa de bornes que la tyrannie perpĂ©tuelle que lâhomme lui oppose ; ces bornes doivent ĂȘtre rĂ©formĂ©es par les loix de la nature et de la raison. V. Les loix de la nature et de la raison dĂ©fendent toutes actions nuisibles Ă la sociĂ©tĂ© tout ce qui nâest pas dĂ©fendu par ces loix, sages et divines, ne peut ĂȘtre empĂȘchĂ©, et nul ne peut ĂȘtre contraint Ă faire ce quâelles nâordonnent pas. VI. La Loi doit ĂȘtre lâexpression de la volontĂ© gĂ©nĂ©rale ; toutes les Citoyennes et Citoyens doivent concourir personellement, ou par leurs reprĂ©sentans, Ă sa formation ; elle doit ĂȘtre la mĂȘme pour tous toutes les citoyennes et tous les citoyens, Ă©tant Ă©gaux Ă ses yeux, doivent ĂȘtre Ă©galement admissibles Ă toutes dignitĂ©s, places et emplois publics, selon leurs capacitĂ©s, & sans autres distinctions que celles de leurs vertus et de leurs talents. VII. Nulle femme nâest exceptĂ©e ; elle est accusĂ©e, arrĂȘtĂ©e, & dĂ©tenue dans les cas dĂ©terminĂ©s par la Loi. Les femmes obĂ©issent comme les hommes Ă cette Loi rigoureuse. VIII. La loi ne doit Ă©tablir que des peines strictement & Ă©videmment nĂ©cessaires, & nul ne peut ĂȘtre puni quâen vertu dâune Loi Ă©tablie et promulguĂ©e antĂ©rieurement au dĂ©lit et lĂ©galement appliquĂ©e aux femmes. IX. Toute femme Ă©tant dĂ©clarĂ©e coupable, toute rigueur est exercĂ©e par la Loi. X. Nul ne doit ĂȘtre inquiĂ©tĂ© pour ses opinions mĂȘmes fondamentales, la femme a le droit de monter sur lâĂ©chafaud ; elle doit avoir Ă©galement celui de monter Ă la Tribune ; pourvu que ses manifestations ne troublent pas lâordre public Ă©tabli par la Loi. XI. La libre communication des pensĂ©es et des opinions est un des droits les plus prĂ©cieux de la femme, puisque cette libertĂ© assure la lĂ©gitimitĂ© des pĂšres envers les enfans. Toute Citoyenne peut donc dire librement, je suis mĂšre dâun enfant qui vous appartient, sans quâun prĂ©jugĂ© barbare la force Ă dissimuler la vĂ©ritĂ© ; sauf Ă rĂ©pondre de lâabus de cette libertĂ© dans les cas dĂ©terminĂ©s par la Loi. XII. La garantie des droits de la femme et de la Citoyenne nĂ©cessite une utilitĂ© majeure ; cette garantie doit ĂȘtre instituĂ©e pour lâavantage de tous, & non pour lâutilitĂ© particuliĂšre de celles Ă qui elle est confiĂ©e. XIII. Pour lâentretien de la force publique, & pour les dĂ©penses dâadministration, les contributions de la femme et de lâhomme sont Ă©gales ; elle a part Ă toutes les corvĂ©es, Ă toutes les tĂąches pĂ©nibles ; elle doit donc avoir de mĂȘme part Ă la distribution des places, des emplois, des charges, des dignitĂ©s et de lâindustrie. XIV. Les Citoyennes et Citoyens ont le droit de constater par eux-mĂȘmes, ou par leurs reprĂ©sentans, la nĂ©cessitĂ© de la contribution publique. Les Citoyennes ne peuvent y adhĂ©rer que par lâadmission dâun partage Ă©gal, non-seulement dans la fortune, mais encore dans lâadministration publique, et de dĂ©terminer la quotitĂ©, lâassiette, le recouvrement et la durĂ©e de lâimpĂŽt. XV. La masse des femmes, coalisĂ©e pour la contribution Ă celle des hommes, a le droit de demander compte, Ă tout agent public, de son administration. XVI. Toute sociĂ©tĂ©, dans laquelle la garantie des droits nâest pas assurĂ©e, ni la sĂ©paration des pouvoirs dĂ©terminĂ©e, nâa point de constitution ; la constitution est nulle, si la majoritĂ© des individus qui composent la Nation, nâa pas coopĂ©rĂ© Ă sa rĂ©daction. XVII. Les propriĂ©tĂ©s sont Ă tous les sexes rĂ©unis ou sĂ©parĂ©s ; elles ont pour chacun un droit inviolable et sacrĂ© ; nul ne peut en ĂȘtre privĂ© comme vrai patrimoine de la nature, si ce nâest lorsque la nĂ©cessitĂ© publique, lĂ©galement constatĂ©e, lâexige Ă©videmment, et sous la condition dâune juste et prĂ©alable indemnitĂ©. POSTAMBULE. Femme, rĂ©veille-toi ; le tocĆżin de la raison se fait entendre dans tout lâunivers ; reconnois tes droits. Le puissant empire de la nature nâest plus environnĂ© de prĂ©jugĂ©s, de fanatisme, de superstition et de mensonges. Le flambeau de la vĂ©ritĂ© a dissipĂ© tous les nuages de la sottise et de lâusurpation. Lâhomme esclave a multipliĂ© ses forces, a eu besoin de recourir aux tiennes pour briser ses fers. Devenu libre, il est devenu injuste envers sa compagne. Ă femmes ! femmes, quand cesserez-vous dâĂȘtre aveugles ? Quels sont les avantages que vous avez recueillis dans la rĂ©volution ? Un mĂ©pris plus marquĂ©, un dĂ©dain plus signalĂ©. Dans les siĂšcles de corruption vous nâavez rĂ©gnĂ© que sur la foiblesse des hommes. Votre empire est dĂ©truit ; que vous reste-t-il donc ? la conviction des injustices de lâhomme. La rĂ©clamation de votre patrimoine, fondĂ©e sur les sages dĂ©crets de la nature ; quâauriez-vous Ă redouter pour une si belle entreprise ? le bon mot du LĂ©gislateur des noces de Cana ? Craignez-vous que nos LĂ©gislateurs Français, correcteurs de cette morale, long-temps accrochĂ©e aux branches de la politique, mais qui nâest plus de saison, ne vous rĂ©pĂštent femmes, quây a-t-il de commun entre vous et nous ? Tout, auriez-vous Ă rĂ©pondre. Sâils sâobstinoient, dans leur faiblesse, Ă mettre cette inconsĂ©quence en contradiction avec leurs principes ; opposez courageusement la force de la raison aux vaines prĂ©tentions de supĂ©rioritĂ© ; rĂ©unissez-vous sous les Ă©tendards de la philosophie ; dĂ©ployez toute lâĂ©nergie de votre caractĂšre, et vous verrez bientĂŽt ces orgueilleux, non serviles adorateurs rampans Ă vos pieds, mais fiers de partager avec vous les trĂ©sors de lâĂtre SuprĂȘme. Quelles que soient les barriĂšres que lâon vous oppose, il est en votre pouvoir de les affranchir ; vous nâavez quâĂ le vouloir. Passons maintenant Ă lâeffroyable tableau de ce que vous avez Ă©tĂ© dans la sociĂ©tĂ© ; & puisquâil est question, en ce moment, dâune Ă©ducation nationale, voyons si nos sages LĂ©gislateurs penseront sainement sur lâĂ©ducation des femmes. Les femmes ont fait plus de mal que de bien. La contrainte et la dissimulation ont Ă©tĂ© leur partage. Ce que la force leur avoit ravi, la ruse leur a rendu ; elles ont eu recours Ă toutes les ressources de leurs charmes, et le plus irrĂ©prochable ne leur rĂ©sistoit pas. Le poison, le fer, tout leur Ă©toit soumis ; elles commandoient au crime comme Ă la vertu. Le gouvernement français, surtout, a dĂ©pendu, pendant des siĂšcles, de lâadministration nocturne des femmes ; le cabinet nâavaoit point de secret pour leur indiscrĂ©tion ; ambassade, commandement, ministĂšre, prĂ©sidence, pontificat[2], cardinalat ; enfin tout ce qui caractĂ©rise la sottise des hommes, profane et sacrĂ©, tout a Ă©tĂ© soumis Ă la cupiditĂ© et Ă lâambition de ce sexe autrefois mĂ©prisable et respectĂ©, et depuis la rĂ©volution, respectable et mĂ©prisĂ©. Dans cette sorte dâantithĂšse, que de remarques nâai-je point Ă offrir ! je nâai quâun moment pour les faire, mais ce moment fixera lâattention de la postĂ©ritĂ© la plus reculĂ©e. Sous lâancien rĂ©gime, tout Ă©toit vicieux, tout Ă©toit coupable ; mais ne pourroit-on pas apercevoir lâamĂ©lioration des choses dans la substance mĂȘme des vices ? Une femme nâavoit besoin que dâĂȘtre belle ou aimable ; quand elle possĂ©doit ces deux avantages, elle voyoit cent fortunes Ă ses pieds. Si elle nâen profitoit pas, elle avoit un caractĂšre bizarre, ou une philosophie peu commune, qui la portoit aux mĂ©pris des richesses ; alors elle nâĂ©toit plus considĂ©rĂ©e que comme une mauvaise tĂȘte ; la plus indĂ©cente se faisoit respecter avec de lâor ; le commerce des femmes Ă©toit une espĂšce dâindustrie reçue dans la premiĂšre classe, qui, dĂ©sormais, nâaura plus de crĂ©dit. Sâil en avoit encore, la rĂ©volution seroit perdue, et sous de nouveaux rapports, nous serions toujours corrompus ; cependant la raison peut-elle se dissimuler que tout autre chemin Ă la fortune est fermĂ© Ă la femme que lâhomme achete, comme lâesclave sur les cĂŽtes dâAfrique. La diffĂ©rence est grande ; on le sait. Lâesclave commande au maĂźtre ; mais si le maĂźtre lui donne la libertĂ© sans rĂ©compense, et Ă un Ăąge oĂč lâesclave a perdu tous ses charmes, que devient cette infortunĂ©e ? Le jouet du mĂ©pris ; les portes mĂȘme de la bienfaisance lui sont fermĂ©es ; elle est pauvre et vieille, dit-on ; pourquoi nâa-t-elle pas su faire fortune ? Dâautres exemples encore plus touchans sâoffrent Ă la raison. Une jeune personne sans expĂ©rience, sĂ©duite par un homme quâelle aime, abandonnera ses parens pour le suivre ; lâingrat la laissera aprĂšs quelques annĂ©es, et plus elle aura vieilli avec lui, plus son inconstance sera inhumaine ; si elle a des enfants, il lâabandonnera de mĂȘme. Sâil est riche, il se croira dispensĂ© de partager sa fortune avec ses nobles victimes. Si quelquâengagement le lie Ă ses devoirs, il en violera la puissance en espĂ©rant tout des lois. Sâil est mariĂ©, tout autre engagement perd ses droits. Quelles lois reste-t-il donc Ă faire pour extirper le vice jusques dans la racine ? Celle du partage des fortunes entre les hommes et les femmes, et de lâadministration publique. On conçoit aisĂ©ment que celle qui est nĂ©e dâune famille riche, gagne beaucoup avec lâĂ©galitĂ© des partages. Mais celle qui est nĂ©e dâune famille pauvre, avec du mĂ©rite et des vertus ; quel est son lot ? La pauvretĂ© et lâopprobre. Si elle nâexcelle pas prĂ©cisĂ©ment en musique ou en peinture, elle ne peut ĂȘtre admise Ă aucune fonction publique, quand elle en auroit toute la capacitĂ©. Je ne veux donner quâun aperçu des choses, je les approfondirai dans la nouvelle Ă©dition de mes ouvrages politiques que je me propose de donner au public dans quelques jours, avec des notes. Je reprends mon texte quant aux mĆurs. Le mariage est le tombeau de la confiance & de lâamour. La femme mariĂ©e peut impunĂ©ment donner des bĂątards Ă son mari, et la fortune qui ne leur appartient pas. Celle qui ne lâest pas, nâa quâun foible droit les lois anciennes et inhumaines lui refusoient ce droit sur le nom & sur le bien de leur pĂšre, pour ses enfants, et lâon nâa pas fait de nouvelles lois sur cette matiĂšre. Si tenter de donner Ă mon sexe une consistance honorable et juste, est considĂ©rĂ© dans ce moment comme un paradoxe de ma part, et comme tenter lâimpossible, je laisse aux hommes Ă venir la gloire de traiter cette matiĂšre ; mais, en attendant, on peut la prĂ©parer par lâĂ©ducation nationale, par la restauration des mĆurs et par les conventions conjugales. Forme du Contrat social de lâHomme et de la Femme. Nous N et N, mus par notre propre volontĂ©, nous unissons pour le terme de notre vie, et pour la durĂ©e de nos penchans mutuels, aux conditions suivantes Nous entendons & voulons mettre nos fortunes en communautĂ©, en nous rĂ©servant cependant le droit de les sĂ©parer en faveur de nos enfans, et de ceux que nous pourrions avoir dâune inclination particuliĂšre, reconnaissant mutuellement que notre bien appartient directement Ă nos enfans, de quelque lit quâils sortent, et que tous indistinctement ont le droit de porter le nom des pĂšres et mĂšres qui les ont avouĂ©s, et nous imposons de souscrire Ă la loi qui punit lâabnĂ©gation de son propre sang. Nous nous obligeons Ă©galement, au cas de sĂ©paration, de faire le partage de notre fortune, et de prĂ©lever la portion de nos enfans indiquĂ©e par la loi ; et, au cas dâunion parfaite, celui qui viendrait Ă mourir, se dĂ©sisteroit de la moitiĂ© de ses propriĂ©tĂ©s en faveur de ses enfans ; et si lâun mouroit sans enfans, le survivant hĂ©riteroit de droit, Ă moins que le mourant nâait disposĂ© de la moitiĂ© du bien commun en faveur de qui il jugeroit Ă propos. VoilĂ Ă -peu-prĂšs la formule de lâacte conjugal dont je propose lâexĂ©cution. Ă la lecture de ce bisarre Ă©crit, je vois sâĂ©lever contre moi les tartuffes, les bĂ©gueules, le clergĂ© et toute la sĂ©quelle infernale. Mais combien il offrira aux sages de moyens moraux pour arriver Ă la perfectibilitĂ© dâun gouvernement heureux ! jâen vais donner en peu de mots la preuve physique. Le riche Ăpicurien sans enfans, trouve fort bon dâaller chez son voisin pauvre augmenter sa famille. Lorsquâil y aura une loi qui autorisera la femme du pauvre Ă faire adopter au riche ses enfans, les liens de la sociĂ©tĂ© seront plus resserrĂ©s, et les mĆurs plus Ă©purĂ©es. Cette loi conservera peut-ĂȘtre le bien de la communautĂ©, et retiendra le dĂ©sordre qui conduit tant de victimes dans les hospices de lâopprobre, de la bassesse et de la dĂ©gĂ©nĂ©ration des principes humains, oĂč, depuis long-tems, gĂ©mit la nature. Que les dĂ©tracteurs de la saine philosophie cessent donc de se rĂ©crier contre les mĆurs primitives, ou quâils aillent se perdre dans la source de leurs citations[3]. Je voudrois encore une loi qui avantageĂąt les veuves et les demoiselles trompĂ©es par les fausses promesses dâun homme Ă qui elles se seroient attachĂ©es ; je voudrois, dis-je, que cette loi forçùt un inconstant Ă tenir ses engagemens, ou Ă une indemnitĂ© proportionnelle Ă sa fortune. Je voudrois encore que cette loi fĂ»t rigoureuse contre les femmes, du moins pour celles qui auroient le front de recourir Ă une loi quâelles auroient elles-mĂȘmes enfreinte par leur inconduite, si la preuve en Ă©toit faite. Je voudrois, en mĂȘme tems, comme je lâai exposĂ©e dans le bonheur primitif de lâhomme, en 1788, que les filles publiques fussent placĂ©es dans des quartiers dĂ©signĂ©s. Ce ne sont pas les femmes publiques qui contribuent le plus Ă la dĂ©pravation des mĆurs, ce sont les femmes de la sociĂ©tĂ©. En restaurant les derniĂšres, on modifie les premiĂšres. Cette chaĂźne dâunion fraternelle offrira dâabord le dĂ©sordre, mais par les suites, elle produira Ă la fin un ensemble parfait. Jâoffre un moyen invincible pour Ă©lever lâame des femmes ; câest de les joindre Ă tous les exercices de lâhomme si lâhomme sâobstine Ă trouver ce moyen impraticable, quâil partage avec la femme, non Ă son caprice, mais par la sageƿƿe des loix. Le prĂ©jugĂ© tombe, les mĆurs sâĂ©purent, et la nature reprend tous ses droits. Ajoutez-y le mariage des prĂȘtres ; le Roi, raffermi sur son trĂŽne, et le gouvernement français ne sauroit plus pĂ©rir. Il Ă©toit bien nĂ©cessaire que je dise quelques mots sur les troubles que cause, dit-on, le dĂ©cret en faveur des hommes de couleur, dans nos Ăźles. Câest lâĂ oĂč la nature frĂ©mit dâhorreur ; câest lâĂ oĂč la raison et lâhumanitĂ©, nâont pas encore touchĂ© les Ăąmes endurcies ; câest lĂ sur-tout oĂč la division et la discorde agitent leurs habitans. Il nâest pas difficile de deviner les instigateurs de ces fermentations incendiaires il y en a dans le sein mĂȘme de lâAssemblĂ©e Nationale ils alument en Europe le feu qui doit embraser lâAmĂ©rique. Les Colons prĂ©tendent rĂ©gner en despotes sur des hommes dont ils sont les pĂšres et les frĂšres ; et mĂ©connoissant les droits de la nature, ils en poursuivent la source jusque dans la plus petite teinte de leur sang. Ces Colons inhumains disent notre sang circule dans leurs veines, mais nous le rĂ©pandrons tout, sâil le faut, pour assouvir notre cupiditĂ©, ou notre aveugle ambition. Câest dans ces lieux les plus prĂšs de la nature, que le pĂšre mĂ©connoĂźt le fils ; sourd aux cris du sang, il en Ă©touffe tous les charmes ; que peut-on espĂ©rer de la rĂ©sistance quâon lui oppose ? la contraindre avec violence, câest la rendre terrible, la laisser encore dans les fers, câest acheminer toutes les calamitĂ©s vers lâAmĂ©rique. Une main divine semble rĂ©pandre par tout lâappanage de lâhomme, la libertĂ© ; la loi seule a le droit de rĂ©primer cette libertĂ©, si elle dĂ©gĂ©nĂ©re en licence ; mais elle doit ĂȘtre Ă©gale pour tous, câest elle sur-tout qui doit renfermer lâAssemblĂ©e Nationale dans son dĂ©cret, dictĂ© par la prudence et par la justice. Puisse-t-elle agir de mĂȘme pour lâĂ©tat de la France, et se rendre aussi attentive sur les nouveaux abus, comme elle lâa Ă©tĂ© sur les anciens qui deviennent chaque jour plus effroyables ! Mon opinion seroit encore de raccommoder le pouvoir exĂ©cutif avec le pouvoir lĂ©gislatif, car il me semble que lâun est tout, et que lâautre nâest rien ; dâoĂč naĂźtra, malheureusement peut ĂȘtre, la perte de lâEmpire François. Je considĂšre ces deux pouvoirs, comme lâhomme et la femme[4] qui doivent ĂȘtre unis, mais Ă©gaux en force et en vertu, pour faire un bon mĂ©nage. Il eĆżt donc vrai que nul individu ne peut Ă©chapper Ă son sort ; jâen fais lâexpĂ©rience aujourdâhui. Jâavois rĂ©solu & dĂ©cidĂ© de ne pas me permettre le plus petit mot pour rire dans cette production, mais le sort en a dĂ©cidĂ© autrement voici le fait LâĂ©conomie nâest point dĂ©fendue, sur-tout dans ce tems de misĂšre. Jâhabite la campagne. Ce matin Ă huit heures je suis partie dâAuteuil, & me suis acheminĂ©e vers la route qui conduit de Paris Ă Versailles, oĂč lâon trouve souvent ces fameuses guinguettes qui ramassent les passans Ă peu de frais. Sans doute une mauvaise Ă©toile me poursuivoit dĂšs le matin. Jâarrive Ă la barriĂšre oĂč je ne trouve pas mĂȘme le triste sapin aristocrate. Je me repose sur les marches de cet Ă©difice insolent qui recĂ©loit des commis. Neuf heures sonnent, & je continue mon chemin une voiture sâoffre Ă mes regards, jây prends place, & jâarrive Ă neuf heures un quart, Ă deux montres diffĂ©rentes, au Pont-Royal. Jây prends le sapin, & je vole chez mon Imprimeur, rue Christine, car je ne peux aller que lĂ si matin en corrigeant mes Ă©preuves, il me reste toujours quelque choĆże Ă faire ; si les pages ne Ćżont pas bien serrĂ©es & remplies. Je reste Ă -peu-prĂšs vingt minutes ; & fatiguĂ©e de marche, de composition & dâimpression, je me propose dâaller prendre un bain dans le quartier du Temple, oĂč jâallois dĂźner. Jâarrive Ă onze heures moins un quart Ă la pendule du bain ; je devois donc au cocher une heure & demie ; mais, pour ne pas avoir de dispute avec lui, je lui offre 48 Ćżols il exige plus, comme dâordinaire ; il fait du bruit. Je mâobstine Ă ne vouloir plus lui donner que son dĂ», car lâĂȘtre Ă©quitable aime mieux ĂȘtre gĂ©nĂ©reux que dupe. Je le menace de la loi, il me dit quâil sâen moque, & que je lui payerai deux heures. Nous arrivons chez un commissaire de paix, que jâai la gĂ©nĂ©rositĂ© de ne pas nommer, quoique lâacte dâautoritĂ© quâil sâest permis envers moi, mĂ©rite une dĂ©nonciation formelle. Il ignoroit sans doute que la femme qui rĂ©clamoit sa justice Ă©toit la femme auteur de tant de bienfaisance & dâĂ©quitĂ©. Sans avoir Ă©gard Ă mes raisons, il me condamne impitoyablement Ă payer au cocher ce quâil demandoit. Connoissant mieux la loi que lui, je lui dis, Monsieur, je mây refuse, & je vous prie de faire attention que vous nâĂȘtes pas dans le principe de votre charge. Alors cet homme, ou, pour mieux dire, ce forcenĂ© sâemporte, me menace de la Force si je ne paye Ă lâinstant, ou de rester toute la journĂ©e dans son bureau. Je lui demande de me faire conduire au tribunal de dĂ©partement ou Ă la mairie, ayant Ă me plaindre de son coup dâautoritĂ©. Le grave magistrat, en redingote poudreuse & dĂ©goĂ»tante comme sa conversation, mâa dit plaisamment cette affaire ira sans doute Ă lâAssemblĂ©e Nationale ? Cela se pourroit bien, lui dis-je ; & je mâen fus moitiĂ© furieuse & moitiĂ© riant du jugement de ce moderne Bride-Oison, en disant câest donc lĂ lâespĂšce dâhomme qui doit juger un peuple Ă©clairĂ© ! On ne voit que cela. Semblables aventures arrivent indistinctement aux bons patriotes, comme aux mauvais. Il nây a quâun cri sur les dĂ©sordres des sections & des tribunaux. La justice ne se rend pas ; la loi est mĂ©connue, & la police se fait, Dieu sait comment. On ne peut plus retrouver les cochers Ă qui lâon confie des effets ; ils changent les numĂ©ros Ă leur fantaiĆżie, & plusieurs personnes, ainsi que moi, ont fait des pertes considĂ©rables dans les voitures. Sous lâancien rĂ©gime, quel que fĂ»t son brigandage, on trouvait la trace de ses pertes, en faisant un appel nominal des cochers, & par lâinspection exacte des numĂ©ros ; enfin on Ă©toit en sĂ»retĂ©. Que font ces juges de paix ? que font ces comissaires, ces inspecteurs du nouveau rĂ©gime ? Rien que des sottises & des monopoles. LâAssemblĂ©e Nationale doit fixer toute son attention sur cette partie qui embrasse lâordre social. P. S. Cet ouvrage Ă©toit compoƿé depuis quelques jours ; il a Ă©tĂ© retardĂ© encore Ă lâimpreƿƿion ; et au moment que M. Taleyrand, dont le nom sera toujours cher Ă la poĆżtĂ©ritĂ©, venant de donner son ouvrage sur les principes de lâĂ©ducation nationale, cette production Ă©toit dĂ©jĂ Ćżous la presse. Heureuse si je me suis rencontrĂ©e avec les vues de cet orateur ! Cependant je ne puis mâempĂȘcher dâarrĂȘter la presse, et de faire Ă©clater la pure joie, que mon cĆur a ressentie Ă la nouvelle que le roi venoit dâaccepter la Constitution, et que lâassemblĂ©e nationale, que jâadore actuellement, Ćżans excepter lâabbĂ© Maury ; et la Fayette est un dieu, avoit proclamĂ© dâune voix unanime une amnistie gĂ©nĂ©rale. Providence divine, fais que cette joie publique ne Ćżoit pas une fausse illusion ! Renvoie-nous, en corps, tous nos fugitifs, et que je puisse avec un peuple aimant, voler sur leur passage ; et dans ce jour solemnel, nous rendrons tous hommage Ă ta puissance. â De Paris au PĂ©rou, du Japon jusquâĂ Rome, Le plus sot animal, Ă mon avis, câest lâhomme. â M. de Berais, de la façon de madame de Pompadour. â Abraham eut des enfans trĂšs-lĂ©gitimes dâAgar, servante de sa femme. â Dans le souper magique de M. de Merville, Ninon demande quelle est la maitresse de Louis XVI ? On lui rĂ©pond, câest la Nation, cette maitresse corrompra le gouvernement si elle prend trop dâempire.
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La reine mĂšre Ălisabeth rend visite aux enfants des quartiers populaires de Londres pendant les bombardements en 1940. Ho New/Reuters Bien sĂ»r, au premier coup d'oeil, le clichĂ© est troublant. Consternant mĂȘme. En couverture du quotidien The Sun, la duchesse d'York, future reine consort Ălisabeth, ses filles Ălizabeth et Margaret, encouragĂ©es par le prince de Galles, futur Ădouard VIII, font le salut nazi. Et la photographie, de mĂ©diocre qualitĂ©, s'accompagne de ce titre racoleur Their Royal Heilnesses Leurs Heiltesses Royales. Un mĂ©chant jeu de mots substituant le "Al" d'altesses au "Heil" du salut hitlĂ©rien. L'image est tirĂ©e d'un petit film de 17 secondes, tournĂ© devant le manoir de Birkhall, sur le domaine royal de Balmoral, en 1933, probablement par le futur George VI. Ă y regarder de plus prĂšs, il est clair que la duchesse d'York et les princesses, 6 et 3 ans, qui trĂ©pignent et sautent de joie, se livrent Ă une parodie. Et il convient de replacer la scĂšne dans son contexte historique. Ă cette Ă©poque, le parti national-socialiste vient de remporter les Ă©lections lĂ©gislatives, et Adolf Hitler accĂšde, dĂ©mocratiquement, au poste de chancelier de la rĂ©publique de Weimar. Sur la pellicule, Ălisabeth et ses filles se moquent probablement des rodomontades du nouveau leader nazi, comme le feront Charlie Chaplin, en 1940, dans Le dictateur, et Ernst Lubitsch, en 1942, dans To Be or Not to Be. Personne, ou presque, ne veut alors envisager la guerre. La jeune duchesse Ălisabeth, qui a perdu son frĂšre Fergus Ă la bataille de Loos, en 1915, moins encore qu'une autre. Devenue reine au cĂŽtĂ© de George VI, en dĂ©cembre 1936, elle saura pourtant s'y prĂ©parer avec courage et abnĂ©gation. Pour combattre son ennemi, il faut le connaĂźtre. Elle se procure une version intĂ©grale du Mein Kampf d'Hitler, et pas l'Ă©dition expurgĂ©e des thĂšses antijuives qui circule alors au Royaume-Uni. Elle analyse l'ouvrage dont elle fait parvenir un exemplaire Ă lord Halifax, le ministre des Affaires Ă©trangĂšres, en lui recommandant de ne pas trop s'y attarder "Sinon, vous allez devenir fou, ce qui serait dommage. Le feuilleter suffit Ă donner une bonne idĂ©e de sa mentalitĂ©, de son ignorance et de son Ă©vidente sincĂ©ritĂ©." MalgrĂ© les bombardements, Ălisabeth refuse de quitter LondresĂlisabeth est auprĂšs de George VI, le 3 septembre 1939, devant le poste de radio, quand Neville Chamberlain annonce l'entrĂ©e en guerre du Royaume-Uni. "Je n'ai pu empĂȘcher mes larmes de couler, mais nous comprenions tous les deux que c'Ă©tait inĂ©vitable, que si nous voulions que la libertĂ© demeure dans notre monde, nous devions affronter la cruelle foi nazie, nous dĂ©barrasser de ce cauchemar continu... Pendant que tout cela nous venait Ă l'esprit, soudain l'horrible hurlement des sirĂšnes d'alarme se fit entendre. Nous nous sommes regardĂ©s le roi et moi, disant ça ne peut pas ĂȘtre ça, mais si, ça l'Ă©tait, et le coeur battant nous sommes descendus dans l'abri, au sous-sol. MĂ©dusĂ©s, horrifiĂ©s, nous avons attendu que tombent les bombes." Offre limitĂ©e. 2 mois pour 1⏠sans engagement La tempĂȘte de feu de la Luftwaffe mettra encore une annĂ©e avant de s'abattre sur Londres. Mais le terrible Blitz, qui durera de septembre 1940 Ă mai 1941, dĂ©vastera alors la capitale. Les quartiers populaires de l'Est, le palais de Westminster, la cathĂ©drale Saint-Paul et mĂȘme la chapelle de "ce cher vieux Buckingham" sont touchĂ©s. Mais cette derniĂšre attaque, loin d'abattre la reine Ălisabeth, renforce encore sa dĂ©termination "Finalement, je suis assez contente, maintenant je peux regarder les gens de l'East End en face." Et quand les officiels lui conseillent de mettre ses filles Ă l'abri, loin du danger, elle rĂ©pond impassible "Les enfants ne partiront pas sans moi. Il m'est impossible de laisser le roi. Et le roi ne partira jamais !" Ălisabeth, la reine mĂšre, et Sir Winston New/ReutersPlus les bombardements s'intensifient, plus la reine s'active. Aux enfants rescapĂ©s du bombardement d'une Ă©cole, elle distribue les bananes rapportĂ©es de Casablanca, par lord Mountbatten, pour ses propres filles. "La vue de ces petits visages, si mignons, torturĂ©s pour les besoins de propagande nazie, m'a rendue plus dĂ©terminĂ©e que jamais Ă dĂ©truire ces Ă©pouvantables Boches. Je grince des dents de rage." VĂȘtue de tons beige clair, rose poudrĂ© ou bleu lavande, son "arc-en-ciel de l'espoir", jamais de noir jugĂ© trop dĂ©faitiste et anxiogĂšne, elle sillonne les villes et les faubourgs dĂ©vastĂ©s. Toujours souriante, pleine d'espoir et de courage. Ă sa soeur Mary, lady Elphinstone, elle avoue pourtant "J'ai toujours aussi peur des bombes et des canons qu'au dĂ©but. Je deviens rouge brique et mon coeur bat, en fait je suis une lĂąche, mais comme je suis sĂ»re qu'un tas de gens le sont, ça m'est Ă©gal ! Bon, chĂ©rie, je dois arrĂȘter... et Ă bas les nazis !" Mais son combat psychologique fonctionne. Au point d'anĂ©antir les effets de la campagne de dĂ©moralisation orchestrĂ©e par l'ennemi. Pour Hitler, qui en perd le sommeil, elle est devenue, dĂšs 1942, "la tĂȘte Ă abattre". Et de son propre aveu "La femme la plus dangereuse d'Europe !" "Plus dĂ©terminĂ©e que jamais Ă dĂ©truire ces Ă©pouvantables Boches !" Mariage de la princesse Elizabeth, future reine Elizabeth II, et Philip Mountbatten -en tenue d'officier de la Royal Navy britannique- le 20 novembre "sang allemand" du prince Philip Ă la suite des "rĂ©vĂ©lations" du journal The Sun, plusieurs mĂ©dias britanniques s'engouffrent dans la polĂ©mique en rappelant les origines allemandes du duc d'Ădimbourg. Le prince Philip, qui s'est distinguĂ© dans la Royal Navy durant la Seconde Guerre mondiale, est effectivement le fils de la princesse AndrĂ© de GrĂšce et de Danemark, nĂ©e Alice von Battenberg. Seulement voilĂ , la mĂšre du futur duc d'Ădimbourg, loin de collaborer avec ses "compatriotes" aprĂšs l'invasion de la GrĂšce par les forces de l'Axe, en 1941, va se consacrer sans relĂąche au secours des AthĂ©niens, comme infirmiĂšre et mĂȘme cantiniĂšre. Quand les rafles dĂ©buteront, conduisant Ă la dĂ©portation de 60 000 des 75 000 Juifs de la capitale, elle cachera Ă son domicile madame Rachel Cohen et deux de ses cinq enfants. Disparue en 1969, la princesse a Ă©tĂ© honorĂ©e par le ComitĂ© Yad Vashem du titre de "Juste parmi les nations". Elle repose au couvent Sainte-Marie-Madeleine de JĂ©rusalem, sur le mont des oliviers. Les plus lus OpinionsTribunePar Carlo Ratti*ChroniquePar Antoine BuĂ©no*ChroniqueJean-Laurent Cassely
Ernest Normand Vasthi Deposed Au temps d'AssuĂ©rus, Vasti est la reine. Alors que le roi organise une royale fĂȘte, la reine Vasti festoie au palais. Et voila le roi qui la convoque pour faire admirer sa beautĂ©. Celle-ci refuse de venir, le roi entre dans un colĂšre jaune. Une lecture hĂątive du texte, fait de Vasti la femme du roi. Or il n'en est rien. D'abord le texte ne le dit pas. Et ensuite tous les Ă©lĂ©ments dissĂ©minĂ©s dans le chapitre 1 du Livre d'Esther amĂšne Ă conclure que Vasti n'est pas la femme mais la mĂšre du roi AssuĂ©rus enfant. Cette perspective nouvelle Ă©claire sous un nouveau jour le Livre d'Esther qui n'a plus de contenance historique pour devenir un conte psychologique qui illustre les ressorts de l'Ăąme humaine. L'expulsion de la reine est ainsi une allĂ©gorie de l'Oedipe et le rĂ©cit celui de la construction de l'altĂ©ritĂ© Ainsi quand le conseiller dit au roi - image de la loi qui pose l'interdit - "tu en Ă©pouseras une plus jeune et plus belle plus tard", il s'adresse Ă l'enfant qui doit renoncer Ă sa mĂšre. Quand le roi est dans ses fĂȘtes, Toute Puissance, Omnipotence, absence de limite, caractĂ©ristiques du narcissisme primaire des premiers Ăąges de la vie. Que la Toute-Puissance soit toujours associĂ©e Ă une jouissance sans limite dĂ©coule Ă lâĂ©vidence du fait que si un quelconque obstacle venait Ă limiter la jouissance, alors il ne saurait y avoir de toute- puissance. De la mĂȘme façon, lâautre nâexiste pas ici, pour la simple raison que lâautre dĂ©finirait une limite, câest pourquoi il est dit Je suis Ă la tĂȘte de nombreuses nations et ma puissance sâĂ©tend sur la terre entiĂšre. Ce qui montre bien que sâil y a des nations que le roi ne domine pas, câest que ces nations nâexistent pas ! Nous sommes dans une bulle. Une bulle de plaisir. Quoi, comment ? VoilĂ que le roi, tout Ă son plaisir se trouve soudain dĂ©sirer que la reine vienne Ă lui et elle refuse, elle se refuse Ă sa volontĂ© ! Mais câest quâil nous fait une grosse colĂšre en plus ! Cette scĂšne, câest lâabsence de la mĂšre, la frustration, le fort-da de Freud. Ce qui se passe ici, chez le petit Roi AssuĂ©rus, câest la premiĂšre prise de conscience de lâaltĂ©ritĂ© si la reine nâest pas lĂ , câest quâelle est ailleurs ! , si elle est ailleurs, câest quâil existe un monde extĂ©rieur dans lequel le roi nâest pas. Si elle se refuse Ă sa volontĂ©, câest quâil nâest pas tout puissant ! Câest quâune autre volontĂ© peut sâopposer Ă la sienne ! Ainsi si le roi se met en colĂšre, câest Ă cause du manque. Mais ce manque, ce nâest pas le manque de lâautre, ce nâest pas la mĂšre, parce quâabsente, qui lui manque. Câest bien parce quâil ne peut pas montrer Ă ses invitĂ©s combien la reine est belle, quâil est souffrant. Le manque câest la prise de conscience que la Toute-Puissance nâest pas Toute-Puissante. Câest la prise de conscience que le plaisir nâest pas sans limite, câest la prise de conscience que le monde ne tourne pas entiĂšrement autour du roi. Le roi vient de rentrer dans la rĂ©alitĂ©. Ainsi la castration, câest-Ă -dire la perte du pĂ©nis, câest dâabord la perte de la toute puissance et ensuite l'exclusion de la part fĂ©minine. Lorsqu'il reste une part narcissique de la toute puissance, celle-ci est blessĂ©e par l'apparition de l'autre. Nous dĂ©couvrons lĂ deux caractĂ©ristiques de lâAutre il est absent et il blesse la toute-puissance lorsque cette absence devient manifeste. Il faut dire alors que l'autre apparait en tant qu'absent et que tout sera fait pour que cette absence ne soit pas manifeste. Noter que la Reine Vasti est punie, qu'elle est dĂ©clarĂ©e coupable, qu'elle est chassĂ©e du palais, les rabbins disent qu'elle est simplement exĂ©cutĂ©e.
EtvoilĂ le roi et la reine - Ecole Primaire Roi et reine d'un jour Comme le veut la tradition, nous avons tirĂ© les rois en dĂ©gustant la galette que nous avions prĂ©parĂ©e la veille. Jules et () Ecole Primaire Les Bords de Meuse > Jehanne la Pucelle et le roi Charles VII - Anecdote 4 juin 2007 0904, par Jean-Pierre Bernard Bonjour GĂ©rard. Tout dâabord, je veux vous remercier de lâintĂ©rĂȘt portĂ© aux articles que je propose sur ce site. Pour vous rĂ©pondre, je dis tout dâabord que non je ne voulais pas Ă©crire lâinverse ! Je dis bien que Jehanne est appelĂ©e Ă tort "Jeanne dâArc" ! Car elle nâest pas citĂ©e sous ce nom dans les textes et publications anciennes que lâon peut rencontrer, mais toujours sous "Jehanne" ou "Jehanne la Pucelle". MĂȘme lorsque Charles VII lui octroie son brevet lui attribuant son blason et ses armes elle est citĂ©e sous ce nom. Pourtant, si elle sâĂ©tait appelĂ©e dâArc, cela aurait Ă©tĂ© le moment de le dire ! Lâappelation "la Pucelle" pourrait se traduire par "demoiselle". Cela nâimpliquait pas une virginitĂ©, mais simplement quâelle nâĂ©tait pas mariĂ©e. Plus tard, lorsquâelle rĂ©apparaĂźtra que lâon soit partisan ou non de sa survie on prĂ©cisera "Jehanne des Armoises" ou "la dame des Armoises" et pas dâArc. Je ne donne pas de renseignements contraires dans le passage que vous citez, lorsque je dis que "les dâArc ont Ă©levĂ© cinq enfants"... je dis "Ă©levĂ© cinq enfants", mais je ne dis pas quâils ont eu cinq enfants "issus dâeux" ! Câest Ă©tabli que Jacques ou Jaquot "dâArs" et Isabelle de Vouthon, dite "RomĂ©e" ont Ă©levĂ© cette petite fille qui sera vouĂ©e Ă un destin hors du commun. Ils lâont Ă©levĂ©e, oui, mais cela nâenlĂšve rien Ă lâhypothĂšse quâelle aurait Ă©tĂ© une fille de la reine Isabeau de BaviĂšre et du duc Louis dâOrlĂ©ans, son beau-frĂšre. Dans ses procĂšs condamnation et rĂ©habilitation on ne la nomme pas "dâArc" non plus, mais seulement Jehanne. Quoi quâil en soit, câĂ©tait une fille exceptionnelle, et câest elle qui a initiĂ© le grand mouvement de reconquĂȘte du royaume par le roi Charles VII, qui ne lâa dâailleurs pas aidĂ©e lorsquâelle a voulu continuer le combat, alors quâil voulait des voies diplomatiques plutĂŽt, et lâa alors "laissĂ© tomber". Pour revenir au nom, il faut prĂ©ciser aussi que les patronymes nâĂ©taient pas encore vraiment fixĂ©s Ă cette Ă©poque. Les filles prenaient parfois le nom de leur mĂšre et pas de leur pĂšre. Les gens avaient un prĂ©nom, et un sobriquet ou une particularitĂ© physique ou autre mĂ©tier... sây ajoutait. Par exemple Pierre le Roux couleur des cheveux, mais le fils pouvait se nommer Jean le MaĂźtre sâil Ă©tait par exemple maĂźtre artisan. Les "frĂšres" de Jehanne, du moins Jehan et Pierre, se nommĂšrent ensuite "du Lis", et un descendant ou collatĂ©ral de cette famille prendra mĂȘme le nom de "de la Pucelle", pour marquer son appartenance avec cette famille. A ses procĂšs, Jehanne dira elle-mĂȘme que dans son pays on la connaissait sous le nom de "Jehannette". Si elle sâĂ©tait appelĂ©e "dâArc", elle lâaurait au moins prĂ©cisĂ©e Ă ce moment-lĂ . Certains historiens "non officiels" prĂ©cisent mĂȘme que si elle est dite parfois "la Pucelle dâOrlĂ©ans" dans certains textes, câest quâelle Ă©tait "une demoiselle de la famille dâOrlĂ©ans", non parce quâelle avait dĂ©livrĂ© la ville dâOrlĂ©ans, mais parce quâelle appartenait effectivement Ă cette famille dâOrlĂ©ans, famille du roi de France, dont lâun des fils Ă©tait titulaire du duchĂ© dâOrlĂ©ans. VoilĂ pour aujourdâhui ce que je peux dire, en espĂ©rant vous avoir quelque peu satisfait sur ce sujet. Cordialement. Jean-Pierre BernardRĂ©pondre Ă ce message LeJeu des Rois et Reines, GrĂ©gory Kirszbaum, Alex Sanders, Gallimard jeunesse. Des milliers de livres avec la livraison chez vous en 1 jour ou en magasin avec -5% de rĂ©duction .