COVID19, Santé, médico-social, vieillissement, Social. Le ministÚre des Solidarités et de la Santé diffuse un nouveau protocole sur les "mesures de protection dans les établissements et services accueillant des personnes ùgées et des personnes en situation de handicap". On se souvient que les établissements et services sociaux et
1Les actions rĂ©sultant du mariage forcĂ© » Rouxel, 2012 de lâaction culturelle et du travail social ont Ă©tĂ© peu observĂ©es et peu analysĂ©es jusquâici. LâenquĂȘte sur laquelle sâappuie cet article a Ă©tĂ© entreprise pour contribuer Ă pallier cette lacune Montoya et al., 2015. 1 Parmi les premiĂšres contributions collectives sur le sujet, on peut noter la parution, en 2002, du ... 2 Lorsque nous utilisons lâexpression de champ social », il faut y voir le rĂ©emploi dâune catĂ©gorie ... 2Ă lâintersection de diffĂ©rents champs de recherche, les investigations sur lâaction culturelle dans le travail social, encore balbutiantes1, prĂ©sentent le double intĂ©rĂȘt de rendre visibles des expĂ©riences sociales peu connues, peu valorisĂ©es, et de faire surgir, pour la sociologie de la culture comme pour celle du travail social, de nouveaux objets, susceptibles dâĂ©prouver les grilles dâanalyses en vigueur dans chacun de ces champs. Le caractĂšre relativement rare et nouveau de ces recherches rend cependant la prĂ©sentation des rĂ©sultats de ces enquĂȘtes plus dĂ©licate en accentuant le trait, nous pourrions dire quâen matiĂšre dâinvestissement des institutions culturelles auprĂšs des publics dits du champ social2 », tout est presque Ă dĂ©crire et Ă expliquer. Nous prĂ©sentons ici quelques-unes des propositions de rĂ©flexion sur ce champ encore en construction. 3 Cet article sâappuie sur lâexploitation dâune enquĂȘte sociologique collective qualitative et longit ... 3LâenquĂȘte sur laquelle nous nous appuyons ici visait Ă explorer les formes et les effets de lâaction culturelle lorsquâelle prend place dans le champ social. Cette enquĂȘte sâest intĂ©ressĂ©e dâune part aux actions culturelles entreprises par les travailleurs sociaux Ă partir dâun dispositif proposĂ© par Cultures du CĆur, et de façon non exclusive Ă lâensemble des actions culturelles proposĂ©es par ces travailleurs sociaux, dâautre part et de façon plus modeste Ă lâinvestissement des structures culturelles dans le secteur du travail social3. 4 La majoritĂ© des professionnels de notre Ă©chantillon dâĂ©tude sâidentifie comme des travailleurs so ... 4Dans cet article, nous nous intĂ©ressons aux logiques et aux effets des actions menĂ©es Ă lâintersection du travail social et de lâaction culturelle4. Notre hypothĂšse est double du cĂŽtĂ© du travail social, la mobilisation dâoutils culturels par les travailleurs sociaux favorise une logique dâaction clinique par laquelle ils Ă©tablissent une relation dâĂ©coute et dâimplication rĂ©ciproque auprĂšs de leurs diffĂ©rents publics ; du cĂŽtĂ© des acteurs culturels, si lâinvestissement dans le champ social est limitĂ©, les effets de ces actions, peu connus et sous-estimĂ©s jusquâalors, sont de nature Ă Ă©tayer lâutilitĂ© sociale dont lâaction culturelle se revendique depuis longtemps Saez, 2012. 5Nous prĂ©sentons tout dâabord le travail partenarial qui lie Cultures du CĆur, les Ă©tablissements culturels et les bĂ©nĂ©ficiaires du travail social. Ces derniers sâavĂšrent aujourdâhui difficilement saisissables, en raison de la multiplicitĂ© de leurs profils. Ce qui nous conduit Ă interroger les modes de catĂ©gorisation et la persistance dâune lecture lĂ©gitimiste des publics du travail social et, corrĂ©lativement, de la culture. Nous prĂ©cisons ensuite, dans un deuxiĂšme temps, comment et pourquoi les travailleurs sociaux se saisissent des outils culturels. Nous insistons sur le fait que ces actions rĂ©pondent Ă la demande institutionnelle qui promeut un accompagnement social Ă la fois individualisĂ© et collectif. Sur le plan organisationnel, la culture peut constituer une passerelle avec lâensemble des missions, dispositifs et pĂŽle dâactivitĂ©s du travail social. Sur le plan de la relation dâaccompagnement, lâaction culturelle est un soutien pour le professionnel, dâabord en tant quâoutil de rĂ©affiliation de ses bĂ©nĂ©ficiaires et, pour dĂ©bloquer certaines situations, mais aussi afin de dĂ©fendre et valoriser les dimensions Ă©ducatives, socialisatrice et relationnelle de leur mĂ©tier. Ces diffĂ©rents Ă©lĂ©ments situent la culture, telle que la saisissent les travailleurs sociaux, Ă contre-courant de lâemprise grandissante dâune simple gestion des difficultĂ©s sociales. NĂ©anmoins, des rĂ©sistances et tensions inhĂ©rentes aux actions des institutions culturelles en direction du travail social apparaissent. Nous en rendons compte dans un troisiĂšme temps, en soulignant les modes paradoxaux dâengagement des services de publics des institutions culturelles dans le champ du travail social peu visibles et peu dotĂ©es, les actions culturelles menĂ©es dans ce champ se rĂ©vĂšlent pourtant ĂȘtre des vecteurs de liens sociaux, Ă©phĂ©mĂšres, mais avĂ©rĂ©s. PrĂ©sentation de lâassociation Cultures du CĆur et de ses principes dâactions culturelles 5 Lâassociation informe sur son site internet quâelle offre 700 000 invitations par an auprĂšs de 39 a ... 6 Une dizaine de cycles de formation se tient tous les ans. Lâassociation annonce un chiffre de 1 500 ... Cultures du CĆur est une association loi 1901 créée en 1998. Elle est dotĂ©e dâune double ambition. PremiĂšrement, lâassocia- tion souhaite permettre Ă des usagers de structures sociales, dans leur diversitĂ©, dâassister gratuitement Ă des reprĂ©sentations culturelles, au sens large du terme. Pour cela, elle propose un dispositif de mise Ă disposition dâinvitations Ă des spectacles culturels et sportifs5. Secondement, lâassociation cherche Ă accompagner au mieux les publics de son action en formant des travailleurs sociaux Ă la mĂ©diation culturelle et, plus rĂ©cemment, des agents culturels personnel des musĂ©es et des centres polyculturels comme le Centre Pompidou, ainsi que des agents du Centre des monuments nationaux au travail social6. Pour les acteurs de lâassociation, les pratiques culturelles sont un moyen de ne pas rĂ©duire les publics Ă leur condition, et de trouver dans le projet collectif la possibilitĂ© de remobiliser une personne, dâassocier cette mĂȘme mobilitĂ© physique Ă une mobilitĂ© psychique reconquise » Saada, 2002 108. Ce postulat vient ainsi rencontrer une hypothĂšse plus ancienne selon laquelle la connaissance des Ćuvres dâart, la comprĂ©hension du geste artistique et la frĂ©quentation des Ă©quipements culturels favorisent la participation Ă la vie de la citĂ© et lâinsertion sociale des individus Fabiani, 2007. Dâune maniĂšre gĂ©nĂ©rale, lâhypothĂšse dâun rĂŽle actif jouĂ© par la culture et les Ćuvres dâart dans les diffĂ©rents processus dâintĂ©gration sociale fonde la lĂ©gitimitĂ© de lâaction publique en matiĂšre de culture Saez, 2012, en particulier en matiĂšre de dĂ©mocratisation de lâaccĂšs aux arts et Ă la culture. Pour mener ses dispositifs dâaction culturelle, lâassociation Cultures du CĆur soutient plusieurs principes. PremiĂšrement, la gratuitĂ© des sorties culturelles offertes aux usagers du dispositif est prĂ©sentĂ©e comme un impĂ©ratif. Elle est trĂšs souvent Ă©voquĂ©e comme condition sine qua non dâune frĂ©quentation des Ă©quipements culturels par les bĂ©nĂ©ficiaires du dispositif et participe Ă une revalorisation statutaire grĂące Ă lâĂ©motion gĂ©nĂ©rĂ©e par ce qui est considĂ©rĂ© comme un beau cadeau ». DeuxiĂšmement, un accompagnement qui respecte lâautonomie et le libre choix des publics est dĂ©veloppĂ©. Les travailleurs sociaux et les mĂ©diateurs culturels doivent encourager les usagers Ă choisir les sorties quâils feront. Ils cherchent Ă ne pas imposer un spectacle sous le prĂ©texte quâil est lĂ©gitimement consacrĂ© ou, au contraire, empĂȘcher une sortie en prĂ©jugeant que lâusager ne dĂ©tiendrait pas les bonnes clĂ©s dâinterprĂ©tation Lâappropriation de la culture passe aussi par cet esprit dâouverture, Ă rompre la distinction entre culture lĂ©gitime et culture illĂ©gitime. » Saada, 2002 113. Les origines et les financements de Cultures du CĆur viennent du champ social ; ce projet ne reprend pas, sur le plan institutionnel, un objectif de dĂ©mocratisation de la culture. Mais, Ćuvrant au croisement du champ social et du champ culturel, son action participe de fait Ă la dĂ©mocratisation culturelle et certains de ses principes dĂ©veloppement de lâautonomie, formation des adultes font Ă©cho Ă ce qui a pu animer les mouvements dâĂ©ducation populaire Chateigner, 2012. 6Lâoffre culturelle proposĂ©e par Cultures du CĆur repose sur des partenariats passĂ©s entre lâassociation et des entreprises culturelles. Deux motivations peuvent guider le choix des structures qui acceptent de rĂ©server des places pour Cultures du CĆur un objectif de marketing visant Ă reverser des invendus aux plus prĂ©caires afin de remplir les salles, ou une adhĂ©sion aux objectifs de dĂ©mocratisation culturelle. Lâun des rĂŽles de la chargĂ©e de partenariat est dâexpliquer la vocation de Cultures du CĆur et ainsi de susciter une approbation vis-Ă -vis du projet. Elle prĂ©vient les partenaires des possibles incidents, de la qualitĂ© des publics quâils vont recevoir, et dĂ©bute ainsi un premier travail de formation Ă la mĂ©diation culturelle ; mais parfois, de grands lieux de diffusion prĂ©cĂšdent les demandes. Moi, avec toute nouvelle structure je prĂ©viens quâon a toujours des absences. On ne fait pas miroiter quelque chose. On leur dit aussi les publics que lâon touche, avec les profils trĂšs divers chĂŽmeurs longue durĂ©e, personne sujette Ă des addictions, etc.. Et aprĂšs je sensibilise un peu aux diffĂ©rents aspects de notre action, Ă la permanence culturelle, ça les rassure de savoir quâil y a une action de mĂ©diation culturelle autour. VoilĂ , aprĂšs, on nâest pas Ă lâabri dâun souci. » Lâoffre culturelle dĂ©pend donc pour beaucoup de ce travail de prospection. Parfois les interlocuteurs sont difficiles Ă convaincre On appelle, on fait des rendez-vous. Les conventions mettent parfois jusquâĂ un an Ă ĂȘtre finalisĂ©es ! On nâest que sur de la gratuitĂ© ! Il y a des théùtres qui prĂ©fĂšrent ĂȘtre vides que de remplir gratuitement. » 7Cependant, un des problĂšmes du travail de Cultures du CĆur rĂ©side dans la difficultĂ© Ă saisir lâhĂ©tĂ©rogĂ©nĂ©itĂ© des publics du champ social, comme lâĂ©voque ici Serge Saada La confrontation avec les rĂ©fĂ©rents et leurs publics lors de permanences de Cultures du CĆur a conduit lâassociation Ă faire Ă©voluer sa propre image de la prĂ©caritĂ©. La diversitĂ© des bĂ©nĂ©ficiaires rendait justement le mot âprĂ©caritĂ©â et sa symbolique inadaptĂ©s pour recouvrir tout le champ des publics concernĂ©s par le dispositif. Entre une famille qui travaille et manque de ressources, un primo-arrivant, une femme qui Ă©lĂšve seule ses enfants, un jeune surdiplĂŽmĂ© au Revenu de solidaritĂ© active RSA, une personne handicapĂ©e ou un demandeur dâasile, il est impossible de trouver une terminologie adĂ©quate pour dresser le portrait type des publics qui ont recours Ă Cultures du CĆur. Câest cette diversitĂ© qui nous permet de creuser notre rĂ©flexion sur la place donnĂ©e au spectateur dâaujourdâhui. » Saada, 2002 114-115. 8En effet, les publics de Cultures du CĆur sont nĂ©cessairement aussi variĂ©s que les publics du champ social. En travaillant avec un grand nombre de structures sociales, Cultures du CĆur ne peut pas regrouper ses usagers sous le terme de personnes en situation de prĂ©caritĂ© » sans entrer dans les dĂ©tails et les singularitĂ©s de chacun dâentre eux. Lâassociation est Ă©galement confrontĂ©e Ă des publics et professionnels divers relevant dâune typologie rĂ©partie ainsi lâanimation socioculturelle, lâinsertion professionnelle, le secteur sociojudiciaire, le secteur socio-Ă©ducatif, le secteur mĂ©dico-social, lâinsertion par le logement, et enfin lâinsertion globale. 9Si les structures sont diverses, les publics du dispositif Cultures du CĆur le sont tout autant adultes handicapĂ©s, personnes sans domicile fixe, jeunes en rĂ©insertion judiciaire, femmes victimes de violences, familles monoparentales en situation de grande prĂ©caritĂ© Ă©conomique sont autant de profils diffĂ©rents rencontrĂ©s par lâĂ©quipe de lâassociation. Les façons de les nommer rĂ©vĂšlent les pratiques du travail social envers ces publics et les maniĂšres dont les professionnels se positionnent vis-Ă -vis dâeux. Alors que Cultures du CĆur parle de ses bĂ©nĂ©ficiaires », les travailleurs sociaux peuvent Ă©voquer leurs usagers ». 7 Comme le dĂ©montrent notamment les grandes enquĂȘtes statistiques sur les pratiques culturelles des F ... 10En outre, si nous nous situons au sein du cadre paradigmatique de la sociologie de la culture, ces publics peuvent ĂȘtre saisis au prisme des Ă©tudes sur les publics de la culture. Les grandes rĂ©flexions interventionnistes en matiĂšre de politiques publiques, menĂ©es dans un objectif de dĂ©mocratisation culturelle, ont cherchĂ© Ă qualifier des publics qui, en raison de leurs caractĂ©ristiques sociographiques, nâont pas accĂšs Ă certains Ă©quipements culturels7. Dâabord nommĂ©s non-publics » par les quarante metteurs en scĂšne signataires de la dĂ©claration de Villeurbanne en Mai 68, le caractĂšre normatif et performatif dâune telle acception est aujourdâhui vivement critiquĂ© Câest [âŠ] parce quâil est intentionnellement et politiquement constituĂ© comme ânon-publicâ quâil apparaĂźt ensuite comme lâAutre et que ses diffĂ©rences culturelles et sociales passent au premier plan. En instaurant une irrĂ©ductible sĂ©paration, ce discours rĂ©alise pour partie ce quâil Ă©nonce. » Fleury, 2006 35. Depuis, des appellations plus restreintes focalisent sur les particularitĂ©s de ces publics et leurs barriĂšres symboliques et matĂ©rielles les publics empĂȘchĂ©s en situation de handicap, les publics Ă©loignĂ©s ruraux, les publics isolĂ©s socialement, etc. Ce prĂ©alable est nĂ©cessaire Ă lâĂ©tude afin de saisir les individus enquĂȘtĂ©s dans la pluralitĂ© de leurs comportements et non pas seulement au prisme des prĂ©occupations des professionnels de la culture et des analystes des pratiques culturelles. Comment le travail social se saisit de la culture 11Si nous Ă©tudions dĂ©sormais la façon dont les travailleurs sociaux se saisissent de la culture, en tant que porteurs dâactions culturelles et relais du dispositif Cultures du CĆur, nous pouvons rendre compte des effets de la culture dans les mĂ©tiers du social sur les plans lĂ©gislatif, organisationnel, relationnel et identitaire. 12Parmi les principales dynamiques qui restructurent le champ du travail social Avenel, 2009, la promotion des Interventions sociales dâintĂ©rĂȘt collectif Isic depuis les annĂ©es 1990 favorise, en principe, les actions conduites par les travailleurs sociaux auprĂšs dâun groupe de bĂ©nĂ©ficiaires ou les habitants dâun territoire de Robertis et al., 2014. Il sâagit de complĂ©ter lâaccompagnement individuel rĂ©alisĂ© dans le cadre des Interventions dâaide Ă la personne Isap par des actions collectives, afin dâencourager le vivre ensemble », les relations dâentraide, lâexpression des personnes en situation de vulnĂ©rabilitĂ©, leur participation au changement social et leur pouvoir dâagir BacquĂ© & Biewener, 2013. De ce point de vue, les sorties culturelles en groupes mises en place dans le dispositif Cultures du CĆur rĂ©pondent Ă une demande institutionnelle et sont dans lâair du temps. Ce que confirment au sein de notre Ă©chantillon RaphaĂ«l et Anne-Marie, respectivement Ă©ducateur spĂ©cialisĂ© et assistante de service social dans le service logement dâun centre social Ă Paris La tendance actuelle câest plus le collectif, donc câest bien vu [le dispositif Cultures du CĆur], on nâa pas eu de blocage. » De mĂȘme, la direction de certains Ă©tablissements encourage la mise en place du partenariat avec lâassociation et la formation de leurs salariĂ©s Ă la mĂ©diation culturelle Ăa a Ă©tĂ© lancĂ© Ă lâinitiative de la hiĂ©rarchie, qui adhĂšre complĂštement, qui nous laisse faire les formations et mĂȘme qui nous encourage Ă faire les formations. » HĂ©lĂšne, secrĂ©taire mĂ©dicale et sociale dans un service social dĂ©partemental, Paris. On peut avancer que le dispositif proposĂ© par Cultures du CĆur rĂ©pond Ă la fois Ă la mise en avant des Isic, et corrĂ©lativement au dĂ©veloppement des Isap, Ă travers la personnalisation de lâoffre culturelle Ă laquelle les bĂ©nĂ©ficiaires peuvent avoir droit dans le cadre des permanences. Des limites toutefois apparaissent quant Ă lâapplication de ces modes dâintervention, nous y reviendrons dans la troisiĂšme partie de notre article. Sur le plan organisationnel, la culture peut constituer une passerelle avec lâensemble des missions, dispositifs et pĂŽles dâactivitĂ©s du travail social. Câest une mĂ©taphore que mobilise Jean, Ă©ducateur spĂ©cialisĂ© dans le service de prĂ©vention dâune association dĂ©partementale de sauvegarde de lâenfance et de lâadulte, afin de souligner le rĂŽle mĂ©diateur et fĂ©dĂ©rateur de la culture parmi lâensemble des outils et dispositifs de sa structure. Les activitĂ©s culturelles collectives que Jean anime, elles-mĂȘmes trĂšs diverses théùtres, musĂ©es, arts de la rue, ateliers de lecture, de musique, de peintureâŠ, vont dans la continuitĂ© de ce qui est fait par les collĂšgues [âŠ] ça fait une passerelle » avec les autres activitĂ©s collectives ateliers de mobilisation et de redynamisation, groupes de parole, rencontres sportives⊠et ça permet dâapprĂ©hender autrement certaines missions Ă©ducatives comme lâexercice de la parentalitĂ©. 13Plus globalement, Ă partir du schĂ©ma dâanalyse proposĂ© par Jacques Ion et Bertrand Ravon Ion & Ravon, 2005 74-75, on peut rendre compte des fonctions de passerelle ou de support que peuvent assurer les activitĂ©s culturelles relativement aux principaux pĂŽles dâactivitĂ© au sein desquels les travailleurs sociaux sont plus ou moins impliquĂ©s. En effet, si les activitĂ©s culturelles sâinscrivent en premier lieu dans le pĂŽle structurĂ© autour de lâorganisation dâactivitĂ©s sportives, rĂ©crĂ©atives ou culturelles, elles ne sây rĂ©duisent pas. Elles peuvent servir de supports ou de cadres aux activitĂ©s dâinvestigation. Les activitĂ©s culturelles leur permettent de mieux connaĂźtre leurs publics, de repĂ©rer des problĂ©matiques », notamment dans le cadre de sorties publiques, susceptibles de constituer un poste dâobservation des conduites et attitudes de certains usagers ; aux activitĂ©s dites de dĂ©pannage », durant lesquelles les professionnels facilitent lâaccĂšs des usagers Ă des prestations sociales et lâexercice de leurs droits. En effet, si les sorties culturelles constituent un moyen de lutter contre lâisolement et le repli sur soi de certains bĂ©nĂ©ficiaires, elles peuvent aussi les aider Ă acquĂ©rir des informations et un sens pratique, utiles dans leurs dĂ©marches administratives et dâinsertion. Câest le cas par exemple des usagers qui ont appris Ă utiliser les transports en commun et se sont familiarisĂ©s avec la signification de certains logos dâentreprises en allant voir un spectacle Ă Paris ; aux activitĂ©s cliniques, dans le sens oĂč les sorties et permanences de Cultures du CĆur ainsi que les sĂ©ances de brainstorming qui leur sont associĂ©es prolongent leur travail de suivi en constituant des moments et lieux dâĂ©coute comprĂ©hensive, oĂč les travailleurs sociaux se sentent plus impliquĂ©s, plus proches, authentiques moins enfermĂ©s dans les prescriptions de leur rĂŽle professionnel, prennent soin de leurs bĂ©nĂ©ficiaires en se dĂ©partant de la logique dâaction gestionnaire qui sâimpose de plus en plus Ă eux Quand on fait attention Ă la personne, quâon fait attention Ă la culture de lâautre, eh bien les gens ils se disent âElle nâest pas que lĂ pour les papiers.â » Asmae, chargĂ©e dâinsertion dans un espace insertion. Le terme de clinique » renvoie aussi au fait de proposer un espace et un cadre qui permet aux bĂ©nĂ©ficiaires de mobiliser et dĂ©velopper leur historicitĂ©, soit leur capacitĂ© dâagir sur [leur] propre histoire et dâavoir prise sur [leur] temporalitĂ© [âŠ] [et leur] capacitĂ© dâagir sur [leurs] dĂ©terminismes pour sâen dĂ©gager et prendre de la distance » Abels-Eber, 2000 67. Ainsi Jean accompagne-t-il ses bĂ©nĂ©ficiaires Ă cette ouverture culturelle dans diverses sorties en groupe, afin quâils puissent sâapproprier, Ă travers ce quâils vont voir de ce monde auquel nous appartenons tous » ; aux actions de concertation citoyenne. En tant que pratique formatrice et transformatrice dâopinions et de jugements esthĂ©tiques, mais aussi politiques, la culture et les diverses expĂ©riences de partage, de dĂ©bats et dâouverture Ă lâautre quâelle suscite participent Ă la vie citoyenne. De nombreux travailleurs sociaux conçoivent la culture comme un outil de communication, dâexpression, de circulation des idĂ©es, au fondement du lien social. Ă lâimage de JĂ©rĂŽme, animateur dâun groupe dâentraide mutuelle en sortant dâune piĂšce de théùtre ou dâun film au cinĂ©ma, les gens sâinterrogent, regardent et se posent la question de ce que ça leur fait âEt toi quâest-ce que ça tâa fait ?â âAh bon, toi ça tâa fait ça ?â âJe vais y rĂ©flĂ©chir un peu ou je vais aller le regarder une deuxiĂšme fois.â La culture, câest de lâordre de lâouverture Ă lâautre, de la possibilitĂ© de me mettre en lien ». Outre la connaissance et lâouverture au monde environnant et aux autres, les pratiques culturelles sont aussi lâoccasion de partager quelque chose qui est commun » nos goĂ»ts, on partage une esthĂ©tique, quelque chose qui est beau », au-delĂ de nos difficultĂ©s et handicaps. LĂ©a, responsable dâun service dâaccompagnement Ă la vie sociale pour des personnes en situation de handicap ou en souffrance psychique, perçoit tous les bĂ©nĂ©fices des sorties culturelles pour ses bĂ©nĂ©ficiaires plus quâune expĂ©rience de partage », câest une ouverture pour eux qui est quasi citoyenne » ; enfin, au travail dâanalyse de la pratique. Lâanimation de permanences et lâencadrement de sorties culturelles les font parfois rĂ©flĂ©chir sur le sens et les modalitĂ©s de leurs pratiques professionnelles. On peut citer ici de nouveau RaphaĂ«l et Anne-Marie, travailleurs sociaux. En discutant de leur rapport diffĂ©rent avec la culture et la façon de mobiliser lâoffre proposĂ©e par lâassociation, ils explorent la portĂ©e et les limites de leur posture professionnelle, toute en implication pour le premier et toute en distance pour la seconde. 8 La dĂ©saffiliation sociale est une forme dâexclusion marquĂ©e par lâabsence dâinscription du sujet ... 14Sur le plan de la relation dâaccompagnement, on peut ajouter que les permanences et activitĂ©s culturelles permettent de dĂ©bloquer des situations, quand les travailleurs sociaux peinent par exemple Ă impliquer certains usagers, enfermĂ©s dans leur isolement. PlutĂŽt que de prendre une posture directive, oĂč ils seraient tentĂ©s de leur imposer une formation et de sâimpliquer davantage dans leurs dĂ©marches dâinsertion, leur proposer des sorties culturelles peut les mettre progressivement dans une dynamique dâimplication de façon non violente. De mĂȘme, la rĂ©affiliation sociale8 gĂ©nĂ©rĂ©e par la culture, en tant quâespace de mĂ©diation producteur de liens sociaux faibles granovetter, 1973, constitue un facteur dĂ©clencheur de lâengagement des bĂ©nĂ©ficiaires dans un processus de rĂ©insertion professionnelle, parmi ceux qui rĂ©sistent le plus Ă sortir de leur isolement. Le dispositif peut aussi servir de pĂŽle attractif pour attirer les usagers, comme le reconnaĂźt Camille, directrice adjointe dâune maison de quartier. Elle utilise le dispositif comme un instrument qui lui permet dâ amener la famille » au sein de sa structure. Un autre type de situation de dĂ©blocage est Ă©voquĂ© par Camille, soutenant que les sorties et permanences constituent un cadre informel qui favorise lâexpression de confidences et lâexploration de problĂ©matiques intimes, comme la parentalitĂ©. On peut Ă ce propos considĂ©rer que les permanences et sorties culturelles constituent des espaces interstitiels Fustier, 2012 investis par les professionnels, bien que souvent considĂ©rĂ©s a priori comme sans importance, voire nĂ©gligĂ©s comme du temps qui serait volĂ© au travail. 15De mĂȘme, le dispositif Cultures du CĆur apparaĂźt comme un territoire dâexpression non seulement des dĂ©sirs dâintimitĂ©, mais aussi dâextimitĂ© des usagers Fugier, 2014. Le concept dâextimitĂ©, Ă©laborĂ© par le psychologue Serge Tisseron, permet de rendre compte de leur dĂ©sir de rendre visible et dâobtenir la reconnaissance dâune partie de leur vie intime, Ă partir dâun Ă©change de vĂ©cus avec les professionnels. Usagers et professionnels recourent Ă une empathie Ă la fois relationnelle et extimisante » lorsque chaque protagoniste reconnaĂźt Ă [son] interlocuteur le droit, par ses rĂ©actions, de [lâ] informer sur [lui-mĂȘme] » Tisseron, 2011 89. Camille tĂ©moigne de cette intrication entre le culturel, lâintimitĂ© et lâextimitĂ©, dans le travail dâaccompagnement quâelle effectue auprĂšs de parents, notamment par le biais des permanences de Cultures du CĆur Ils livrent quand mĂȘme beaucoup dâeux-mĂȘmes, câest leur vie privĂ©e, lâĂ©ducation, il nây a rien de plus intime câest liĂ© parfois Ă la religion, Ă un vĂ©cu personnel, Ă une culture quâon a, Ă une histoire personnelle quâon a du fait de ce que nous ont transmis nos parents. Câest intime. Ils livrent leur vie privĂ©e, donc on est aussi obligĂ©s de livrer des choses de nous, des choses issues un peu de notre vie Ă nous, pour se prĂ©senter aussi en tant que parents⊠pour quâil y ait un Ă©change, pour que ce soit rĂ©ciproque quand mĂȘme. » 16La culture est porteuse dâhumanitĂ© dans la relation Ă©ducative quand elle met en relation des personnes plutĂŽt que des usagers, et permet Ă chacun dâapprendre Ă se connaĂźtre. De mĂȘme, la participation du personnel administratif aux permanences met des visages sur des noms ou des voix » HĂ©lĂšne, secrĂ©taire mĂ©dicale et sociale. En outre, en accĂ©dant Ă une partie de lâoffre culturelle du dispositif quand ils encadrent des sorties de groupe, les travailleurs sociaux dĂ©couvrent des Ćuvres culturelles et partagent cette expĂ©rience avec leurs bĂ©nĂ©ficiaires, dans un esprit de don plutĂŽt que de contrat, propre aux socialitĂ©s primaires Fustier, 2004 Ăa permet dâĂ©changer, comme ça il y a une convivialitĂ©, une complicitĂ© ! » Kimberley, Ă©ducatrice spĂ©cialisĂ©e, ES. La culture est donc ce plus », cette relation supplĂ©mentaire » qui sâĂ©tablit entre professionnels et usagers. 17Sur le plan de leur identitĂ© professionnelle revient de façon rĂ©currente lâidĂ©e que lâengagement dans des activitĂ©s culturelles est une occasion de retrouver le cĆur du mĂ©tier ou une dimension perdue ou en danger du mĂ©tier de travailleur social, câest-Ă -dire sa composante dâĂ©ducation et dâanimation. Les Ă©ducateurs spĂ©cialisĂ©s insistent beaucoup sur le fait que leur travail consiste avant tout Ă ĂȘtre en relation avec autrui, Ă travailler sur la relation Ă lâautre donner envie de », faire naĂźtre le dĂ©sir de », susciter le projet »âŠ, Ă instaurer, restaurer, rĂ©parer une relation. Câest pour cela quâils sont trĂšs rĂ©ceptifs au discours affichĂ© par lâassociation, qui refuse de considĂ©rer Cultures du CĆur comme une simple billetterie il sâagit dâun outil de travail Ă©ducatif, un dispositif dâaccompagnement social, et non de marchandisation de la culture. Au contraire, ils considĂšrent la culture comme une arme contre la marchandisation du social », sous lâemprise grandissante dâun social de gestion » ChauviĂšre, 2010 qui met Ă distance le professionnel et ses usagers. Il sâagit pour eux de se saisir de la culture pour tout simplement faire leur travail, essayer de rĂ©aliser un accompagnement de qualitĂ© Clot, 2010 grĂące Ă la culture, en espĂ©rant, selon leurs termes, mieux aider les gens ». 18Les activitĂ©s culturelles peuvent participer Ă la reconnaissance des professionnels. En remerciant les travailleurs sociaux de leur donner accĂšs Ă une offre culturelle, ou en manifestant tout simplement leur satisfaction leur sourire en sortant » du théùtre par exemple, les bĂ©nĂ©ficiaires reconnaissent la valeur de leurs actions et les valorisent. Par ailleurs, les activitĂ©s culturelles permettent Ă certains professionnels de sortir de leur routine et notamment de la dimension la plus gestionnaire, bureaucratique, impersonnelle de leur travail social, comme Asmae, chargĂ© dâinsertion En tout cas moi ça me change du RSA, de la paperasserie. Moi je suis plus dans cette optique-là », ou bien encore HĂ©lĂšne, secrĂ©taire mĂ©dicale et sociale Ăa nous sort de notre train-train quotidien. [âŠ] ça nous permet de donner une autre dimension Ă notre travail, bĂȘte et mĂ©chant. » 19Enfin, les travailleurs sociaux se saisissent aussi de la culture en tant que passeurs. Ils facilitent lâaccĂšs aux formes les plus lĂ©gitimes ou institutionnalisĂ©es de la culture, en informant et formant leurs bĂ©nĂ©ficiaires, en les incitant, les motivant, leur rendant accessibles ces formes de culture, en tĂąchant dâĂ©viter le piĂšge du misĂ©rabilisme et du populisme grignon & Passeron, 1989 il faut quâils se sentent autorisĂ©s Ă aller vers ces formes de culture perçues comme lĂ©gitimes et quâon reconnaisse la valeur de leur propre culture. Le travailleur social peut ainsi constituer un agent de socialisation Ă la culture, mais aussi un agent de mĂ©diation, en tant que relais vers les Ă©tablissements culturels. Lâengagement paradoxal des institutions culturelles dans le champ du travail social 9 Disponible de façon trimestrielle sur le site du ministĂšre et des 19 institutions y participant. Cf ... 10 Par exemple, les actions menĂ©es par le service de mĂ©diation culturelle de la grande Halle de la Vil ... 20Du cĂŽtĂ© des institutions culturelles, les actions en faveur du champ social ne sont pas nouvelles. DĂšs les annĂ©es 1960 Fleury, 2006b, lâinstitutionnalisation du projet de dĂ©mocratisation de la culture a amenĂ© les services de relations avec le public Ă dĂ©velopper des actions auprĂšs de groupes socioculturels, dont certains seraient aujourdâhui qualifiĂ©s de spĂ©cifiques ». Mais les actions en faveur du champ social se sont surtout dĂ©veloppĂ©es Ă partir des annĂ©es 2000 et la montĂ©e en puissance dans le dĂ©bat public de la lutte contre lâexclusion. Ainsi, en 2006, la chargĂ©e des publics du champ social du musĂ©e du Louvre tĂ©moignait de lâinstitutionnalisation croissante de ces actions Pour les mĂ©cĂšnes, faire du social câest dans le vent, et puis câest une prioritĂ© du gouvernement, la cohĂ©sion sociale et lâadhĂ©sion rĂ©publicaine, on a encore reçu une circulaire rĂ©cemment, câest-Ă -dire lâinsertion sociale et professionnelle qui passe par lâinsertion dans la culture. On est tous concernĂ©s, toutes les institutions culturelles. [âŠ] Le musĂ©e du Louvre a Ă©tĂ© pionnier, nous gĂ©nĂ©rons de plus en plus dâactions dans ce domaine et ça a fait des petits partout. » Câest Ă la faveur dâune inquiĂ©tude proprement sociale les failles du processus dâintĂ©gration, venue rejoindre une ambition plus ancienne de dĂ©mocratiser lâaccĂšs aux Ă©quipements culturels Montoya, 2009, que les actions en faveur du champ social se sont dĂ©veloppĂ©es dans les institutions culturelles. Ainsi, en 2005, sous lâĂ©gide du ministĂšre de la Culture, la mission Vivre ensemble » Ă©tait créée, instituant au sein des chargĂ©s de relations avec le public un espace de rĂ©flexion autour de lâaccueil des publics dits spĂ©cifiques. Les dispositifs dâaccueil des publics du champ social existent dĂ©sormais, quâil sâagisse dâactions minutieuses menĂ©es avec un petit groupe de personnes sur du long terme ou de rĂ©formes structurelles des conditions pratiques dâaccueil de ces groupes, rendus visibles par la lettre de la mission Vivre ensemble9 » gratuitĂ© pour les allocataires des minimas sociaux lorsquâelle nâĂ©tait pas dĂ©jĂ en place, accĂšs au droit de parole » et formation gratuite Ă la mĂ©diation dans ces institutions et pour les travailleurs sociaux dĂ©sirant amener leurs groupes dâusagers. Cette offre sâaccompagne parfois, de façon variable selon les institutions, dâune recherche volontariste de groupes et de structures issus du champ social dĂ©marchage, publicitĂ©, etc.. MalgrĂ© cela, et parallĂšlement Ă la persistance de dispositifs locaux particuliĂšrement actifs auprĂšs du champ social10, les actions volontaristes en faveur de ces publics demeurent marginales dans lâensemble des activitĂ©s des services de publics des institutions culturelles Montoya, 2009. Des initiatives Ă©parses » prennent place dans un quasi-vide institutionnel » Rouxel, 2001. Si une poignĂ©e dâinstitutions sâest dotĂ©e dâun poste de chargĂ©s des publics du champ social, dans lâimmense majoritĂ© des structures culturelles, y compris parmi celles dotĂ©es des moyens les plus importants, les publics dits spĂ©cifiques », ou du champ social » ne viennent dĂ©signer quâun modeste sous-ensemble dâactions ciblĂ©es, au milieu dâun ensemble beaucoup plus vaste dâactions pour le champ scolaire, les groupes » comitĂ©s dâentreprises, associations, groupes dâamis ou le mal nommĂ© tout public ». La faiblesse des moyens consacrĂ©s Ă ces actions explique peut-ĂȘtre lâemploi dâun lexique flou et euphĂ©misant, propre au secteur culturel les travailleurs sociaux nâutilisent pas ces termes pour qualifier le public du travail social champ social » cf. supra, publics empĂȘchĂ©s » pour ne pas entrer dans le dĂ©tail des obstacles matĂ©riels, symboliques, sociaux Ă lâaccĂšs aux Ă©quipements culturels ou spĂ©cifiques » expression sans doute la plus problĂ©matique, qui accroĂźt lâeffet de stigmatisation et dâamalgame de populations dotĂ©es de caractĂ©ristiques sociales extrĂȘmement diverses. 21Mais ces initiatives demeurent relativement rĂ©centes et limitĂ©es. Au sein des institutions culturelles, le dĂ©veloppement de ces actions ne va pas de soi, notamment lorsquâil sâagit pour les chargĂ©s de publics de convaincre leurs collĂšgues, la direction, les confĂ©renciers ou les agents dâaccueil de la nĂ©cessitĂ© de mettre en place des actions spĂ©cifiques pour accueillir ces groupes. DâaprĂšs une chargĂ©e des publics du champ social dâun musĂ©e parisien, il y a une peur de la part des confĂ©renciers » Câest comme les personnes handicapĂ©es⊠Est-ce quâon va vers elles en leur donnant de lâaide, ou alors est-ce quâon reste lĂ et on ne sait pas quoi faire, quand on voit les femmes arriver en boubous, les femmes voilĂ©es ou les femmes avec une dĂ©gaine pas possible, câest pas Ă©vident. LâidĂ©e câest dâassouplir la relation et de bien se connaĂźtre les uns les autres. [âŠ] Alors câest trĂšs modeste, je crois quâil nâest pas question de faire ce travail autrement quâhumblement. » Le chargĂ© des publics du champ social dâun Ă©tablissement pluridisciplinaire parisien tĂ©moigne dâune autre difficultĂ©, trĂšs souvent Ă©voquĂ©e par les acteurs sociaux ou culturels engagĂ©s dans ces actions Au dĂ©but, il y avait un peu une habitude quâont beaucoup de lieux culturels de dire âce spectacle, ça marche pas du tout, tiens, tu nâas pas du pauvre pour la remplir ?â, donc les groupes avaient la chance dâaller voir des films en iranien non sous-titrĂ©s, des trucs qui sont quand mĂȘme super inaccessibles. » Une chargĂ©e des relations publiques dâun festival pluridisciplinaire parisien Ă©voquait quant Ă elle la dimension singuliĂšre et personnelle des actions menĂ©es auprĂšs du public du champ social Jâai remplacĂ© quelquâun qui Ă©tait plus protocole, qui sâoccupait plus dâenvoyer des invitations [âŠ], mais cette chose de mĂ©diation culturelle nâexistait pas, on nâavait pas lâhabitude de faire des choses comme ça. » Une chargĂ©e des publics disait lâambivalence des actions de formation des agents dâaccueil dans les musĂ©es Jâai toute une action vers le personnel du musĂ©e pour changer le regard de toutes les personnes qui travaillent au musĂ©e pour accueillir un public, je nâaime pas le mot, mais âspĂ©cifiqueâ, qui nâa pas les codes pour se repĂ©rer dans un lieu, parce quâun musĂ©e câest contraignant, on ne court pas, on ne peut pas manger, on ne peut pas boire, on ne touche pas les Ćuvres, quand on est au musĂ©e, on ne vient pas au Carrefour, on nâest pas chez Virgin, mais la frontiĂšre est trĂšs fine. » Public spĂ©cifique » qui ne doit pas ĂȘtre considĂ©rĂ© comme tel tout en Ă©tant Ă©duquĂ© Ă la visite lâaccueil du public du champ social amĂšne les chargĂ©s de relations publiques Ă dĂ©velopper leurs actions sur une ligne dâĂ©quilibre fragile, entre prise en compte de leurs spĂ©cificitĂ©s et dĂ©fense de leurs droits Ă ĂȘtre accueillis comme tout le monde au sein des institutions. 22Ces tensions sont Ă©galement visibles lorsquâon accompagne les structures du champ social dans ce type de sortie. Accompagnant un groupe dâalphabĂ©tisation durant la visite dâun grand musĂ©e dâart moderne parisien, nous avions Ă©tĂ© surpris de voir le groupe que nous accompagnions ĂȘtre fondu, pour les besoins de la visite, avec un groupe hĂ©tĂ©roclite de personnes envoyĂ©es par des structures de travail social. La visite fut malaisĂ©e, autant pour les visiteurs qui ne se connaissaient pas et sâinterrogeaient sur les raisons de ce regroupement que pour la confĂ©renciĂšre, qui nous le confirma par la suite. Aux dires des travailleurs sociaux, et des agents de Cultures du CĆur, lâaccueil du public du champ social par les structures culturelles ne va pas de soi les regards peuvent ĂȘtre sources de tensions quâil sâagit de dĂ©jouer, de prĂ©venir ou dâaccepter. 11 Le Monde, 31 janvier 2013, Rollot Catherine, Exclusion dâune famille du musĂ©e dâOrsay Le minist ... 23Le samedi 26 janvier 2013, une famille accompagnĂ©e par ATD Quart Monde Ă©tait expulsĂ©e du musĂ©e dâOrsay. Selon la presse, qui sâĂ©tait largement fait lâĂ©cho de cet incident, le personnel du musĂ©e, alertĂ© par des visiteurs gĂȘnĂ©s par la mauvaise odeur dâun enfant malade, aurait demandĂ© Ă la famille de quitter les lieux. Les membres dâATD Quart Monde ont de leur cĂŽtĂ© vu dans cette exclusion le fruit dâune discrimination sociale ordinaire. Selon un membre de lâassociation, cet Ă©vĂ©nement montre ce que subissent les plus pauvres au quotidien, cette discrimination qui fait que, quand on porte la grande pauvretĂ© sur son visage, on nâest pas traitĂ© de la mĂȘme façon11 ». Exceptionnel et particuliĂšrement mĂ©diatisĂ©, cet Ă©vĂ©nement fait Ă©cho aux discours des salariĂ©s de Cultures du CĆur sur les rĂ©sistances et les difficultĂ©s Ă accueillir le public du champ social. Certains services de publics refusent de travailler avec Cultures du CĆur au nom dâune opposition de principe Ă la gratuitĂ©, mais il arrive que ce refus soit formulĂ© au nom de problĂšmes de comportements, de bonne tenue, de respect des horaires, attribuĂ©s Ă ces publics. Il suffit quâil y ait un incident dans un théùtre pour que le partenariat cesse. Par exemple, on avait eu des personnes qui Ă©taient montĂ©es sur scĂšne pour insulter des comĂ©diens Ă Bastille par exemple. [âŠ] On a eu un incident, câest une dame qui est venue avec un enfant, alors quâelle Ă©tait ivre. On a eu aussi une personne ivre au guichet Montparnasse la semaine derniĂšre. Ăa nâa pas remis en cause le partenariat, mais les structures culturelles appellent tout de suite. On peut trĂšs bien comprendre la structure sociale qui est déçue et la structure culturelle qui a peur que ça se reproduise. Et nous, on ne peut pas garantir non plus que ça ne se reproduira jamais. Donc les deux positions se dĂ©fendent totalement », tĂ©moigne la personne responsable des partenariats Ă Cultures du CĆur. Une autre fait le constat dâun dĂ©sĂ©quilibre de pouvoir entre le culturel et le social dans le dispositif Cultures du CĆur », car lâassociation est acculĂ©e Ă offrir beaucoup de places [mais] les structures culturelles, câest selon leur bon vouloir. » 24Parfois justifiĂ©s par le rĂ©cit dâĂ©vĂ©nements particuliers et rarissimes un homme en situation dâĂ©briĂ©tĂ© dans le hall du théùtre qui lâaccueillait par exemple, ou par la mise en exergue de comportements dont il nâest pas sĂ»r quâils soient le monopole des publics issus du champ social comme les retards ou le fait de ne pas honorer les invitations, une partie de ces refus pour les sorties de groupe sâabritent derriĂšre des discours gĂ©nĂ©raux qui cachent mal le peu dâexpĂ©rience des services de publics vis-Ă -vis de ceux quâils qualifient dâ atypiques ». Ces refus et ces rĂ©sistances sont perçus comme dâautant plus scandaleux quâils sont de moins en moins nombreux. Du cĂŽtĂ© des travailleurs sociaux, ce sont le caractĂšre stigmatisant des formes dâaccueil, le manque de formation des salariĂ©s des institutions culturelles Ă la spĂ©cificitĂ© des publics du champ social qui viennent rĂ©vĂ©ler le dĂ©calage entre dâune part les ambitions et les discours relatifs Ă lâaccueil de ce public, et dâautre part la rĂ©alitĂ© plus ambivalente des actions menĂ©es au sein des institutions. Ils sont bien accueillis, mais on sent quand mĂȘme [âŠ] quand on voit leur dĂ©gaine, que si nous, on ne recadre pas, les confĂ©renciers peuvent rĂ©agir. » Malika, formatrice rĂ©fĂ©rente dans une Ăcole de la deuxiĂšme chance. Chaque fois que je vais au théùtre avec eux, le problĂšme ce nâest pas les sorties, mais [câest] dans le regard des autres et câest terrible ça. [âŠ] Câest trĂšs violent. Le public des théùtres parisiens, des salles dâexpo se disent que ce nâest pas la place de ces jeunes, et quand ils sont lĂ , ils dĂ©tonnent. » Michel, Ă©ducateur spĂ©cialisĂ© dans un service dâhĂ©bergement et dâactivitĂ©s de jour. 25Lâengagement limitĂ© des moyens engagĂ©s par les institutions culturelles pour accueillir ces publics sâexplique aisĂ©ment. Pour des raisons dâorganisation, les services de publics se sont gĂ©nĂ©- ralement constituĂ©s autour dâune double mission, de communi- cation et dâaccueil dâune part, et, dans une moindre mesure, de conquĂȘte de nouveaux publics dâautre part. Ceux-ci se recru- taient aisĂ©ment parmi des groupes dĂ©jĂ constituĂ©s, auprĂšs de comitĂ©s dâentreprises ou dâĂ©tablissements scolaires. Si les comi- tĂ©s dâentreprise sont aujourdâhui des relais moins importants, le champ scolaire est devenu le principal destinataire des activitĂ©s des services de relations avec le public. LâhĂ©tĂ©rogĂ©nĂ©itĂ©, la diver- sitĂ© et le caractĂšre anomique des publics du champ social ont empĂȘchĂ© de les constituer en groupes aisĂ©ment recrutables pour les services de publics. Au musĂ©e du Louvre, par exemple la crĂ©ation dâun poste de chargĂ© de ces publics a Ă©tĂ© associĂ©e initialement Ă celui du public handicapĂ© Nous appartenons Ă la mĂȘme unitĂ©, parce que le public handicapĂ© et le public du champ social ont en commun de ne pas avoir dâautonomie ; que ce soit pour des raisons physiques ou pour des raisons financiĂšres, il y a des freins Ă la visite. » Par ailleurs, le recrutement des chargĂ©s de relations publiques et dâune maniĂšre gĂ©nĂ©rale des agents dâinstitutions culturelles dans la classe moyenne Dubois, 2013 ne les prĂ©dispose ni Ă connaĂźtre le secteur du travail social ni Ă en comprendre les ressorts ou la diversitĂ©. Les chargĂ©s de publics du champ social » revendiquent souvent une fibre sociale particuliĂšrement forte et prĂ©coce, souvent hĂ©ritĂ©e dâun engagement familial dans le social ou les activitĂ©s caritatives Montoya, 2009. Les enquĂȘtes menĂ©es sur ces projets culturels nous amĂšnent Ă Ă©mettre une derniĂšre hypothĂšse explicative du faible engagement des acteurs culturels dans ce secteur les diffĂ©rentes difficultĂ©s sociales auxquelles sont confrontĂ©s les individus concernĂ©s par ces actions ont des effets directs sur les modes dâengagement, de prĂ©sence, et sur la nature des interactions au sein des groupes mobilisĂ©s. Lâobservation de ces sorties montre lâĂ©tat dâanomie manifeste nombreuses absences, retards, abandons, difficultĂ©s Ă Ă©changer, etc. de ces groupes souvent faiblement reliĂ©s entre eux, faiblement tenus, si ce nâest par un travail social attentif Ă pallier la prĂ©caritĂ© de ces engagements. 26Pourtant, quel que soit le caractĂšre parcimonieux de lâengagement des institutions culturelles en la matiĂšre, les enquĂȘtes de terrain montrent que les effets de ces actions sur les publics atypiques sont manifestes et mĂ©riteraient dâĂȘtre examinĂ©s par les sociologues de la culture. Alors que les mĂ©diateurs culturels ont largement assimilĂ© les leçons de la sociologie critique Montoya, 2012 quant aux effets dâimposition et de domination symbolique des Ă©tablissements culturels Bourdieu & Darbel, 1966, lâobservation des sorties culturelles menĂ©es par les travailleurs sociaux et les entretiens rĂ©alisĂ©s avec les participants font plutĂŽt apparaĂźtre des formes de revalorisations sociales propres Ă la sortie dans des lieux culturels prestigieux Moi, jâaime beaucoup les grands monuments, quand câest grand, câest beau. Versailles câĂ©tait magnifique. Jâaime bien quand on peut connaĂźtre lâhistoire. On se dit il y a eu des rois, des reines, et maintenant câest nous [qui] marchons lĂ . Aujourdâhui aussi [aprĂšs une sortie Ă lâOpĂ©ra garnier], câĂ©tait magnifique. » FrĂ©quentant rĂ©guliĂšrement un centre social dâune ville de Seine-Saint-Denis, cette mĂšre de famille algĂ©rienne est une fidĂšle des sorties culturelles organisĂ©es par lâaxe famille » du centre social. Comme beaucoup dâautres participants, elle Ă©voque en termes extrĂȘmement positifs ces sorties culturelles qui permettent une distraction dâautant plus marquante que lâinstitution visitĂ©e resplendit des ors de la monarchie Versailles, de lâEmpire ou de la RĂ©publique. Câest souvent la double dimension patrimoniale et monumentale impressionnante visuellement de ces sorties qui constitue le cĆur des expĂ©riences mises en avant par ces participants. En cela, ces publics ne sont pas trĂšs diffĂ©rents des touristes qui visitent Paris par millions chaque annĂ©e. De façon plus significative encore, la joie », la fiertĂ© » souvent Ă©voquĂ©es dans les entretiens menĂ©s avec les participants Ă ces sorties contrastent significativement avec le tableau dressĂ© par une sociologie attentive Ă dĂ©noncer les effets dâintimidation sociale des institutions culturelles. 27Les chargĂ©s de publics dans les institutions culturelles sont les premiers tĂ©moins, avec les travailleurs sociaux, des effets de revalorisation statutaire de ces projets. Le beau rĂ©pare [âŠ], on le voit sans cesse dans les groupes », dit la chargĂ©e des publics dâun grand musĂ©e parisien. Câest magique, quand on voit comme la parole se libĂšre, tâes crevĂ©e et tout dâun coup il se passe quelque chose, il y a une rencontre », dit une autre. Certains mettent en avant lâapport de ces rencontres pour les artistes eux-mĂȘmes Je suis persuadĂ© quâil faut travailler avec le terrain et les artistes quand ils sortent des rencontres et quâils me disent âcâĂ©tait super riche, peut-ĂȘtre quâon va lâutiliser dans dâautres spectaclesâ, câest vrai que ça va dans les deux sens, la richesse du terrain influe aussi sur lâartistique et sur la maniĂšre de monter un spectacle. » Olivier, chargĂ© des publics du champ social dans un Ă©tablissement pluridisciplinaire parisien. De nombreux tĂ©moignages Ă©voquent la prise de confiance, la restauration de lâestime de soi, la libĂ©ration de formes dâexpression provoquĂ©es par lâengagement dans les projets menĂ©s avec les institutions culturelles Il y a un effet de groupe aussi, lâeffet du groupe câest quâon est tous ensemble Ă faire la mĂȘme chose en mĂȘme temps, et ça solidarise et ça nous met dans une position de âon nâest pas en ce moment en train de penser Ă nos douleursâ, on prend du recul, on peut parler dâautres choses que ce qui fait mal, ça câest assez notable aussi parce quâil y a beaucoup de personnes qui ont du mal Ă se dĂ©centrer [âŠ] ça a des effets de distinction, les effets de la reprĂ©sentation habituelle câest-Ă -dire les effets de la gratification, les effets de la prestation et de la reconnaissance du public et du travail accompli, des effets trĂšs certainement sur lâenvie, lâenvie de refaire, câest un dĂ©clencheur finalement ça dĂ©clenche le plaisir, le faire et le refaire autrement, refaire autrement, mais continuer. » Cet animateur dâun centre dâentraide pour personnes en situation de souffrance psychique » formule ici des effets souvent dĂ©crits ailleurs revalorisation de soi, regain dâintĂ©rĂȘt pour lâaction, mise Ă distance de la souffrance ordinaire, etc. LĂ encore, lâampleur des effets dĂ©crits par les travailleurs sociaux contraste avec lâinvisibilitĂ© ordinaire de ces projets et la relative modestie de leur place dans le travail des services de publics des institutions culturelles. Peu repĂ©rĂ©es jusquâici par les sociologues, objet dâune attention limitĂ©e au sein des institutions culturelles, ces actions sont sans cesse réévaluĂ©es, fragilisĂ©es par leur dimension circonscrite Câest vrai quâon dĂ©veloppe des coĂ»ts pas possibles pour des tout petits groupes de six personnes, câest vrai quâen termes de coĂ»ts câest trĂšs trĂšs dur de faire intervenir des gens. Est-ce que câest lĂ©gitime ou est-ce quâon nâest pas en train de se planter et dâoublier plein dâautres gens ? » Olivier, chargĂ© des publics du champ social dans un Ă©tablissement pluridisciplinaire parisien. Conclusion 28Le travail partenarial entre les Ă©tablissements culturels et mĂ©dico-sociaux, par lâentremise dâune association comme Cultures du CĆur, nous apparaĂźt doublement paradoxal du cĂŽtĂ© du travail social, il va Ă lâencontre de lâemprise grandissante dâun social de gestion » ; du cĂŽtĂ© des Ă©tablissements culturels, il est empreint dâambiguĂŻtĂ© tant son efficacitĂ© avĂ©rĂ©e en termes de revalorisation, dâouverture et dâassouplissement des interactions sociales est contrecarrĂ©e par le caractĂšre limitĂ© des moyens qui y sont consacrĂ©s et son manque de visibilitĂ©. Câest dâailleurs lâun des intĂ©rĂȘts de la formation Ă la mĂ©diation culturelle que de mettre en Ă©chec les modes de catĂ©gorisation empreints de lĂ©gitimisme culturel et les prĂ©supposĂ©s discrĂ©ditant des hexis et ethos non conventionnels. 29Nous ne soutenons pas que de telles tensions soient gĂ©nĂ©ralisables Ă lâensemble des institutions culturelles impliquĂ©es auprĂšs des publics du champ social. Les dispositifs et partenariats proposĂ©s par Cultures du CĆur rĂ©vĂšlent nĂ©anmoins de possibles Ă©cueils et freins aux processus dâĂ©mancipation et dâintĂ©gration par la culture. Ce qui nous renvoie de nouveau au concept de paradoxe », dans le sens Ă©tymologique du terme cette enquĂȘte montre quâil demeure des pratiques, des reprĂ©sentations, des logiques dâaction et des vĂ©cus qui vont Ă lâencontre de ce qui semble dĂ©sormais aller de soi dans de multiples institutions culturelles et Ă©tablissements sociaux. 30De nouvelles pistes de recherches se dessinent alors dans les champs de la psychodynamique du travail Dejours, 1998 et de la clinique de lâactivitĂ© Clot, 1995, on peut interprĂ©ter ce paradoxe comme la manifestation dâun dĂ©calage irrĂ©ductible, potentiellement gĂ©nĂ©rateur de souffrance du cĂŽtĂ© des professionnels comme des usagers, entre une organisation du travail partenarial et de mĂ©diation prescrite et lâorganisation rĂ©elle de ce travail ce qui vient rĂ©sister Ă sa formalisation, sa maĂźtrise, ce qui met en Ă©chec les objectifs visĂ©s, compte tenu notamment des moyens disponibles, des imprĂ©vus ou encore de la complexitĂ© propre aux mĂ©tiers de la relation. Par ailleurs, on peut se demander si lâaccueil des publics du champ social ne se traduit pas sous la forme dâune injonction paradoxale Bateson, 2008, puisque les travailleurs culturels doivent satisfaire des publics spĂ©cifiques, dans des lieux qui sont supposĂ©s accueillir un public de plus en plus commun tout en restant hors du commun.ConfinementCOVID-19 Assouplissement des sorties des personnes handicapĂ©es Cet assouplissement doit s'accompagner d'un strict respect des gestes barriĂšre impĂ©ratifs pour la sĂ©curitĂ© sanitaire de tous. âą Pour les personnes en situation de handicap domiciliĂ©es chez elles, leurs parents ou leurs proches : leurs sorties, soit seules soit accompagnĂ©es, en
Legouvernement, sollicité par les associations, met désormais à disposition une attestation de déplacement adaptée aux personnes en situation de handicap ou ayant des difficultés avec la langue française. Cette attestation est téléchargeable en ligne et est à compléter avant toute sortie durant la période de confinement.
Le 2 avril, Ă lâoccasion de la journĂ©e mondiale de lâautisme, Emmanuel Macron a annoncĂ© que les personnes autistes pourraient sortir plus souvent de chez eux pendant le confinement. Ces dĂ©rogations vont concerner aussi les publics dĂ©ficients intellectuels ou souffrant de troubles psychiques. Lâassouplissement des conditions de sortie concernent les personnes en grande difficultĂ© au regard de leurs troubles du spectre autistique mais Ă©galement de leur dĂ©ficience intellectuelle, dĂ©ficit de lâattention avec ou sans hyperactivitĂ© et troubles psychiques ». Pour ces publics, les sorties ne sont ni limitĂ©es Ă une heure, ni Ă 1 km autour du domicile pour permettre dâaller dans un lieu de dĂ©paysement ». Elles ne sont pas non plus rĂ©gulĂ©es dans leur frĂ©quence et leur objet dĂšs lors que la personne ou son accompagnant justifie aux forces de lâordre dâun document attestant de la situation particuliĂšre de handicap ». Il pourra sâagir de notifications de la maison dĂ©partementale des personnes handicapĂ©es MDPH, dâune reconnaissance de travailleurs handicapĂ©s pour les adultes ou encore dâune attestation dâun mĂ©decin, a prĂ©cisĂ© la secrĂ©taire dâEtat Sophie Cluzel lors dâun Facebook live le 2 avril. Cette mesure ne fait pas lâobjet dâune attestation dĂ©diĂ©e, mais consigne est donnĂ©e aux prĂ©fets et forces de lâordre dâune prise en compte spĂ©cifique ». Il est donc toujours obligatoire de remplir et dâavoir lâattestation habituelle dĂ©rogatoire de dĂ©placement. .